Litterature russe

GOGOL, Nouvelles de Pétersbourg

Nikolaï GOGOL
Nouvelles de Pétersbourg

Traduit par Boris de Schloeze (1968)
présenté par Déborah Lévy-Bertherat (1998)
Flammarion,   éd. corrigée et mise à jour en 2009
coll. GF ; n° 1398
ISBN : 2081223196

« Tout n’est que mensonge ici, tout n’est que rêve, et la réalité est complètement différente des apparences qu’elle revêt » nous prévient un personnage des Nouvelles de Pétersbourg. Ces nouvelles fantastiques écrites par Gogol et rassemblées en un recueil par les éditeurs russes introduisent un rapport particulier à la réalité, souvent altérée par la folie, le rêve, l’absurde, « l’étrangeté inexplicable ».

Entrez précautionneusement dans cet univers où un nez se balade déguisé en conseiller d’Etat, où un fonctionnaire-fantôme vole des manteaux, où une promenade sur la Perspective Nevsky bouleverse votre vie, où la simple possession d’un portrait éveille une envie de meurtre, où l’on vole la correspondance de lettres entre deux chiens, où l’on croise peut-être le diable.

Né en 1809, Gogol débarque en 1828 dans la nouvelle capitale russe – Pétersbourg – afin de servir l’Etat, autrement dit de devenir fonctionnaire. Ces nouvelles sont toutes issues de la période d’écriture la plus féconde de Gogol. « La Perspective Nevsky », « Le journal d’un fou » et la première version du « Portrait » sont publiées dans le recueil Arabesques en 1835. Vient ensuite dans la revue Le Contemporain, dirigée par son ami Pouchkine, la publication du « Nez » et de la deuxième version du « Portrait » (celle qui a été conservée par l’éditeur). Enfin « Le Manteau » est tiré des Oeuvres, publié en 1843. Gogol retravaille ses textes pendant de longues années, notamment Les Ames mortes, un de ses chefs-d’oeuvres.

L’assemblage de ces nouvelles en un recueil cohérent par les éditeurs russes est une réussite et le choix du titre marque déjà un noyau essentiel, celui d’un lieu où « quoi qu’on puisse en dire, de tels évènements se produisent parfois ; rarement, j’en conviens, mais ils se produisent » : Pétersbourg. Pour aiguiller ceux qui étudieront ce recueil, un dossier conséquent sur les thèmes abordés et une bibliographie de Gogol ont été ajoutés.

L’obsession et le surnaturel

Une idée fixe. Qui dévore les personnages et peut parfois les mener à leur perte. Voilà ce qui peut rassembler les personnages du recueil. Poprichtchine, petit fonctionnaire dont la fonction est de tailler des plumes, ne rêve qu’à s’élever en société, c’est son obsession. Pour certains, cela peut être une femme. Et enfin pour d’autres, un portrait ? Un manteau ? Un nez ? L’obsession est parfois au cœur du fantastique, comme dans cet extrait :

« Le bruit, soudain, se répandit à Pétersbourg qu’un fantôme apparaissait la nuit aux alentours du pont Kalikine, sous les traits d’un fonctionnaire ; ce fantôme, disait-on, recherchait un manteau volé ».

Gogol nous offre ainsi un panel de désirs humains du plus banal au plus extravagant.

Du comique satirique à l’humour de l’absurde

A travers ses nouvelles, Gogol dresse un panorama des catégories sociales du XIXe siècle russe, toutes tournées en ridicule :

« Ici, vous croiserez des gens qui parlent des concerts et du temps qu’il fait, sur un ton d’une noblesse extraordinaire et avec un grand sentiment de leur propre dignité ».

Voilà ce que nous dit Gogol de la Perspective Nevsky. D’entre tous, ce sont les fonctionnaires qui sont le plus touchés par sa plume, comme dans sa comédie Le Revizor. Dans « Le Nez », « Le Manteau » et « Le Journal d’un fou », les héros sont des petits fonctionnaires qui sont rabaissés, dont le travail est insignifiant au milieu d’un fonctionnement hiérarchique et bureaucratique absurde. Et justement, l’absurdité et le non-sens de certains personnages constituent un autre ressort du comique de l’auteur. Le narrateur du « Journal d’un fou » fait rire à son insu par son caractère orgueilleux certes, mais aussi par ses inepties :

« Voilà pourquoi nous ne pouvons apercevoir notre propre nez, car tous les nez sont dans la lune ».

Entre un penchant secret pour le surnaturel et l’obsession, ou la satire du XIXe russe, ou le comique de l’absurde, ou simplement des histoires rondement menées, vous  trouverez forcément votre bonheur.

Lucine Hamard, AS Bibliothèques-Médiathèques, année 2017-2018

Biographie de l’auteur :

Nationalité : Russie
Né à : Sorotchintsy, Ukraine , le 19/03/1809
Mort(e) à : Moscou , le 21/02/1852
Nicolaï Vassiliévitch Gogol (en russe : Николай Васильевич Гоголь) est un prosateur, dramaturge, poète, critique littéraire et publiciste russe d’origine ukrainienne.

Bibliographie non exhaustive de l’auteur :
Le Révizor, traduit par Arthur Adamov, éditions L’Arche 1984.
Les Ames mortes, traduit par Henri Mongault, Gallimard, 1995.
Nouvelles de Pétersbourg, traduit par Boris de Schloeze, présentation par Deborah Lévy-Bertherat, Flammarion, 2009.