Littérature française

MALLOCK, Le Principe de Parcimonie

MALLOCK, Le Principe de Parcimonie

 Fleuve Noir, 2016
ISBN : 9782265114456

  Sous le pseudonyme de Mallock se cache Jean-Denis Bruet-Ferreol, peintre, photographe, designer, inventeur, compositeur et écrivain.

Le Principe de parcimonie est le cinquième volume d’une série de thrillers littéraires et baroques intitulés « Les chroniques barbares » : « tentative d’écrire une « comédie (in)humaine » sur le mode policier, décrivant les différentes raisons et facettes que peut prendre le mal chez l’homme et qui le conduisent inéluctablement à la barbarie… » (présentation de l’auteur, édition Fleuve noir).

Pouvant être lus indépendamment les uns des autres, ces livres ont toujours trois niveaux : un niveau mythologique, un niveau narratif, un niveau purement littéraire.

Le Principe de parcimonie ne fait pas exception à la règle. Le commissaire Mallock a fort à faire avec un justicier psychopathe qui prend au pied de la lettre la théorie d’un moine du Moyen-âge appelée « le rasoir d’Ockham ».

Ce principe de raisonnement philosophique est aussi  dénommé « principe de parcimonie » et pourrait, dans le langage courant, s’exprimer par la phrase :

« Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? ».

L’histoire débute par le vol de la Joconde et sa destruction en direct sur le Net. L’auteur de cet acte se fait appeler Ockham et est affublé d’un grand bec jaune, habillé de latex rouge avec un costume d’arlequin.

Il s’en prend ensuite à l’intégrité de ses victimes. Successivement, il coupe la langue de journalistes, découpe les oreilles de députés qui n’écoutent pas ce que demande le peuple, extrait la cervelle d’une vedette de la télé-réalité qui n’en a pas besoin et scalpe un pseudo philosophe médiatique ressemblant à Bernard-Henri Lévy.

« Il n’avait amputé qu’une certaine catégorie d’individus bien identifiés, comme on dit pompeusement, des personnalités. Bizarre, ce terme, songea Amédée en reprenant une vitesse plus normale, comme si les personnes sans notoriété en étaient dépourvues ». (p.178-179)

Parallèlement à l’apparition de ce rédempteur fou, Paris doit faire face à une crue centennale de la Seine. Celle-ci inonde de plus en plus la capitale et Mallock doit bientôt arriver barque à son bureau. Des ponts de fortune sont mis en place pour permettre aux gens de circuler.

Le côté anar du commissaire lui fait apprécier ce dingue au début, mais lorsqu’il s’en prend à une de ses adjointes et la tue, Mallock ne peut plus rien faire d’autre que de sévir.

« Réfléchissez bien, Mallock, aux maîtres auxquels vous obéissez. Ce ne sont plus simplement nos actes qu’ils interdisent, ce sont nos opinions, les phrases et les mots qui les portent. Quand une société commence à empêcher les gens de dire, elle n’est plus loin de les empêcher de penser. Et bientôt de faire, en mettant les fers aux effarés qui voudraient passer outre, Honni soit qui mal y pense. Que ferez-vous lorsque l’on mettra les humoristes en examen ? Irez-vous vous-même les chercher ? Leur mettre les menottes ? Les tabasser, s’ils osent se défendre ? Quelle réponse avez-vous à ça ? » (p.388-389)

La spécificité du personnage de Mallock est qu’il a perdu très tôt son fils et qu’il utilise l’opium pour calmer ses douleurs intérieures et se désinhiber l’esprit, ce qui lui permet également de résoudre ses enquêtes. Il va en effet empêcher cet odieux personnage de mettre son dessein apocalyptique à exécution.

On retrouve avec le principe de parcimonie, tout ce qui fait le sel du style Mallock, le côté lyrique, baroque, avec cette inondation de sang doublée d’une inondation d’eau. Le style littéraire de l’auteur fait toujours son petit effet. Il réussit le coup de force de mélanger les mots d’auteur et d’utiliser un langage plus érudit tout en gardant une fluidité dans la lecture du récit.

« Le lynchage avait, de tout temps, été l’une des préoccupations de l’être humain. Pierres, coups de poing, parpaings, briques ou tweets, qu’importe, l’essentiel était de détruire le singulier pour innocenter le pluriel » (p.68)

On n’ose imaginer ce que pourrait donner l’adaptation de ce roman sur grand écran, tant le foisonnement d’images nous vient à l’esprit. Vision apocalyptique due à cette crue centennale venant nettoyer les rues de la capitale, comme Ockham vient nettoyer cette espèce de Sodome et Gomorrhe de la médiocrité qu’est devenue notre société.

Méconnu en France, Mallock est pourtant très populaire en Italie et récompensé aux Etats-Unis. Ses œuvres sont absolument à (re)découvrir, tant elles régénèrent le style du thriller et embarquent le lecteur dans des histoires ébouriffantes avec un sous-texte mêlant mythologie et critique de notre société.

En cela, il est temps de mettre Mallock à la place qu’il mérite, c’est-à-dire la première.

Nicolas Legendre, AS, Edition-Librairie 2018-2019

Sources :
Librairie Mollat
Mandor

Biographie de l’auteur :

Nationalité : Française

Né à Neuilly-sur-Seine, 1951

Artiste touche à tout, Jean-Denis Bruet-Ferreol signe avec Le Principe de parcimonie le cinquième volume de ses « Chroniques barbares ».

Bibliographie sélective de l’auteur :

 Les Visages de Dieu, Seuil, 2000
Le Massacre des innocents, Editions JBZ et Cie, 2010
Le Cimetière des Hirondelles, Fleuve Noir, 2014
Les Larmes de Pancrace, Fleuve Noir, 2014
Le Principe de Parcimonie, Fleuve Noir, 2016