Littérature française

Sophie DAULL, Camille, mon envolée

Sophie DAULL, Camille, mon envolée

 Philippe Rey, 2015
Collection Littérature Française.
ISBN : 978-2-848876-468-9

Survivre à la perte d’un enfant

Camille, mon envolée est un roman écrit par Sophie Daull et publié en 2015 aux éditions Philippe Rey. Sophie Daull est devenue auteure dans de macabres circonstances. En effet, si elle a écrit ce roman, c’est pour dire au revoir à sa fille, décédée subitement le 23 décembre 2014. Cette écrivaine française y donne le témoignage d’une mère venant de perdre sa fille. Elle y explique comment elle a fait pour survivre à la mort de Camille seize ans en bonne santé depuis toujours.

Dans une alternance entre le passé et le présent, en parlant à la deuxième personne du singulier, elle s’adresse à sa fille, lui fait son « au revoir », lui explique comment tout s’est déroulé « après ». 4 jours de fièvre pour sa Camille et puis plus rien. Le vide. La mort. Et Sophie Daull est perdue : « Je voulais aller nulle part. Mais il n’y a pas de nulle part. Je le savais déjà mais, depuis que tu es morte, ça me manque vraiment, un endroit où disparaître ». Quelque chose qu’elle parvient tout à fait à retranscrire dans son roman. Elle reste fidèle à elle-même, glissant parfois quelques notes humoristiques, se montrant parfois sous ses plus mauvais jours, acceptant la dureté à laquelle elle a fait face sans quémander une quelconque pitié. Sophie Daull nous fait rentrer dans l’intimité de sa relation avec sa fille, elle sait faire ressentir à son lecteur ce que cela fait d’avoir le cœur brisé et de subir la perte la plus grande du monde. Elle sait montrer qu’elle a été forte tout en restant faible, tout cela malgré le fait qu’elle débute une nouvelle année sans elle, sans Camille. « Mon ange. Mon auréolée, tes ailes sciées, l’élan brisé. » (p. 15)

Son style reste épuré, elle va droit au but, divague mais se reprend, ce qui en fait toute la force de son écriture et lui donne un effet de plume particulier. Elle parvient à prendre du recul tout en étant totalement enlisée dans cette situation. Elle répète ainsi « Camille est morte. Camille est morte. Camille est morte. », mais elle parvient à continuer de se lever, à continuer de respirer, à continuer de survivre. C’est un livre qu’on lit d’un trait, on commence en retenant sa respiration et on ne la relâche qu’à la fin, accompagnée peut-être de quelques larmes.

L’histoire est éprouvante, mais le style facile à lire. On sait que l’histoire est réelle, et cela place le lecteur dans une autre dimension, une dimension totalement différente de celle d’un roman dramatique imaginé, de fiction. Ici ce n’est pas de l’invention, c’est un témoignage poignant qu’on lit toujours avec, au coin de sa tête, l’idée que ce genre de choses arrivent vraiment et que Camille en est la preuve. Ce n’est pas un deuil classique. On sent que pour l’auteure, ce livre est une continuité de sa fille, quelque chose qui continue après sa mort, et qu’elle partage son chagrin avec tous ses lecteurs. Ce récit est presque une ode à la vie, son moyen à elle de tenir, et de remonter la pente de tout coucher là sur ce papier. De donner et de partager ses souvenirs, son chagrin et sa perte. Elle lui a donné la vie, et elle la regarde mourir, puis elle se retrouve seule. Mais finalement pas si seule que cela, parce qu’elle a été beaucoup soutenue, notamment par ses amis proches qui ont su comment apprivoiser cette tristesse et en faire une force commune à tous. Son mari et elle se sont reconstruits malgré la perte et on constate à travers ses lignes que même si c’est récent, elle essaie déjà de remonter la pente, qu’elle est pleine de courage et qu’elle veut vivre cette vie et jusqu’au bout.

On ne peut pas lire ce livre sans ressentir quelque chose au fond de soi-même. Il ne pèse que quelques grammes, et pourtant, une fois qu’on a lu la dernière page, que l’on referme le livre, on reste béat, cet objet en main. Une fois refermé, une fois terminé, il pèse à présent tout son poids, celui de la tristesse, et de la mort. Tout ce qui émane de ce livre est finalement beaucoup plus qu’un simple témoignage, c’est en fait la démonstration de l’amour maternel dans sa forme la plus brute et la plus frappante. C’est l’illustration du courage. Et tout ceci se retrouve coincé entre une couverture et une quatrième de couverte bleue, avec quelques nuages, parce que Camille a disparue, qu’elle s’est « envolée ». Personne n’a pu s’y préparer, c’était brutal et concret, en quelques jours plus rien.

Ce récit nous apprend beaucoup sur la vie, sur la mort, sur la perte. Il fait réfléchir et cela semble être une des caractéristiques des livres publiés chez Philippe Rey. Dernièrement Sophie Daull a même republié un livre intitulé Au Grand Lavoir au sujet de la mort de sa propre mère assassinée des années auparavant.

Lou-Ann Bossaert, 2A, Edition-Librairie, 2018-2019.

Sources :

  • Roman Camille, mon envolée : biographie auteur (consulté le : 15/10/2018)
  • Site éditeur Philippe Rey : bibliographie auteur pour cette édition (consulté le 15/10/2018)

Biographie :

Nationalité : France

Née à : Bordeaux, 1976

Ce roman est son premier roman Sophie Daull est une auteure française née à Belfort. Elle est comédienne et vit à Montreuil et se déplace beaucoup pour travailler. Ce roman est son premier roman.


Bibliographie :

  • Camille, mon envolée, Philippe Rey, 2015, élu meilleur premier roman par Lire en 2015.
  • La suture, Philippe Rey, 2016.
  • Au grand lavoir, Philippe Rey, 2018.

Pour aller plus loin :

Sur l’auteur et son premier roman :

  • Interview de la Grande Librairie de Sophie Daull