Littérature américaine

Rick RIORDAN, Magnus Chase et les Dieux d’Asgard : L’épée de l’été

Rick RIORDAN, Magnus Chase et les Dieux d’Asgard : L’épée de l’été

 Traduit de l’anglais (américain) par Nathalie Serval
Titre original : The Sword of Summer », édition Disney Hyperion, 2015
Edition Albin Michel, 2006
ISBN : 9782226321275

Après être devenu professeur spécialisé en anglais et en histoire, et après avoir reçu le prix St. Mary’s Hall’s first Master Teacher Award en 2002, Rick Riordan se lance dans l’écriture pour ne plus s’arrêter. Devenu un emblème de la vulgarisation mythologique pour la jeunesse et les adolescents, il a pour mission de rendre cette culture claire, compréhensible et attrayante pour un public qui pourrait la trouver repoussante, obscure et complexe. Reconnu dans le milieu littéraire pour ses différentes séries, et surtout pour ses nombreuses œuvres sur la mythologie, Riordan a vendu ses droits cinématographiques à la Twentieth Century Fox en 2010 pour les deux premiers volets de sa série Percy Jackson. Un réel succès de ses écrits, également réédités en poche, comme récemment avec Magnus Chase et les Dieux d’Asgard : L’épée de l’été.

Une approche ludique de la mythologie, parfois trop vulgarisée

Ce livre aborde tout d’abord la mythologie de façon simple à travers l’histoire d’un jeune garçon new-yorkais de 15 ans dyslexique et sans-abri, qui apprend le jour de son seizième anniversaire qu’il est le fils d’un Dieu d’Asgard. Cette révélation est très vite suivie de sa mort dès le début du roman, qui lui permet d’atteindre le Walhalla, paradis des guerriers d’Odin. C’est là que commence sa quête ainsi qu’une longue explication de ce monde, liées aux croyances vikings et nordiques. Riordan permet une réelle plongée dans cet immense univers peuplé de guerriers, thanes et walkyries à travers différentes descriptions complètes et précises :

« “- Asgard, a annoncé Gunilla. Le royaume des dieux.” J’ai distingué des toits constitués de lingots d’or, des portes en bronze assez larges pour livrer passage à un bombardier B-1, des tours de pierre qui perçaient les nuages. Les rues étaient pavées d’or, et chaque jardin était aussi vaste que le Boston Harbor. La ville était entourée de remparts blancs qui faisaient ressembler la Grande Muraille de Chine à un parc pour bébé. En bordure de mon champ visuel, une large avenue traversait une porte ménagée dans ces remparts. Au-delà, ses pavés se fondaient dans une lumière irisée – une chaussée de feu prismatique. “- Le Bifrost, a repris Gunilla. Le pont qui relie Asgard à Midgard[1]. “ »

 

L’auteur donne donc une image de cet univers, mais qui peut paraître trop fantaisiste ou trop vulgarisée selon les comparaisons qui sont faites : «[…] remparts blancs qui faisaient ressembler la Grande Muraille de Chine à un parc pour bébé. » Ces descriptions, certes complètes, pourraient être trop éloignées de la manière dont on imaginait vraiment Asgard, et lui fait perdre un peu de son prestige. C’est donc ce nouveau monde que Magnus va devoir accepter pour pouvoir accomplir sa quête et empêcher le Ragnarok[2]. Pour ce faire, il devra lutter contre l’écureuil Ratatosk, dangereux gardien de l’arbre-monde :

« “- Son aboiement cause plus de mal que sa morsure. […] Il passe son temps à monter et descendre le long du tronc, pour transmettre les insultes de l’aigle perché sur sa cime à Nídhögg, le dragon qui vit sous ses racines. […] En agitant ses ailes, l’aigle crée des tempêtes qui brisent les branches et causent des ravages à travers les neuf mondes. Ratatosk entretient la compétition entre les deux monstres pour voir lequel détruira le premier la partie de l’arbre où il vit. “ »

 L’histoire de Ratatosk paraît absurde et illogique, mais elle permet à Magnus et au lecteur d’en apprendre plus sur cette culture, et d’avoir une réflexion plus large et plus générale sur nos actes, nos choix et même la vie humaine. C’est ainsi qu’à travers une recontextualisation de la croyance viking, un enseignement philosophique peut être délivré. Cela permet à l’auteur de proposer une œuvre intéressante et ludique. L’oeuvre ne retrace pas uniquement l’histoire telle que la mythologie la présente : elle la reprend pour l’adapter au monde réel et cela de manière humoristique.

Un humour léger, mais parfois trop facile et pesant. Est-ce vraiment toujours nécessaire ?

Magnus Chase reprend l’autodérision, présent chez pratiquement tous les personnages de toutes les séries de Riordan, et qui est avant tout un trait de caractère important et inévitable du personnage central. Généralement, ce dernier est perdu à travers toutes les révélations qui lui sont faites et s’accroche à l’humour pour garder un certain équilibre et contrôle sur sa vie. Cela permet à l’œuvre de ne pas être trop sérieuse et d’offrir des pauses à travers des jeux de mots redondants qui cassent la prestance de certains personnages ou le sérieux de certaines scènes :

« “- Tu apprendras à te servir de l’épée. […] Quand tu auras découvert toute l’étendue de son pouvoir, tu deviendras un redoutable guerrier. – Je suppose qu’elle [l’épée] n’est pas livrée avec un mode d’emploi ?” »

Même si cette ironie est une des caractéristiques centrales de l’œuvre qui lui permet de plaire au public, elle peut aussi être réductrice en comparant un monde plutôt glorifié avec une marque de voiture. La dérision est souvent présente dans le déroulement de l’histoire, mais devient parfois trop pesante : « “– Bienvenue à Fólkvangr, « Le pré de l’armée » … Qu’on peut également traduire par « le champ de bataille du peuple » . – Volkswagen, tu dis ? “ » Le but de Riordan est bien de vulgariser la mythologie et non de la simplifier en lui retirant son aspect prestigieux et intimidant.

Une répétition et une pâle illusion de (la saga principale) Percy Jackson. Une redite ?

  Magnus Chase et les Dieux d’Asgard : L’épée de l’été est le premier tome d’une trilogie, qui s’inscrit dans une série parallèle à celle de Percy Jackson. L’univers est repris, en changeant la mythologie grecque par les légendes nordiques, mais les personnages se ressemblent. Tous ont le même sarcasme, une même révélation sur le père divin, une quête dangereuse et impossible à mener ainsi que deux amis intelligents et prêts à donner leur vie pour le personnage principal. Il est possible de se demander si le succès de Percy Jackson n’est pas la principale raison de l’apparition de toutes ces variantes, qui perdent au fur et à mesure de leur originalité, leurs particularités ainsi que leurs différences par rapport aux autres livres. Même si l’apport de culture inépuisable de la mythologie reste intéressant, le lecteur revit une même histoire remaniée indéfiniment.

Conclusion :

            Riordan permet donc de revisiter toute la mythologie en l’adaptant à notre monde tout en donnant envie à son public de s’y intéresser, mais son écriture parfois trop simple et ses histoires redondantes masquent la richesse de cette culture.

Célia Maïs, 2A, Édition/ Librairie 2018/2019

Bibliographie non exhaustive de l’auteur :

  • Série Tres Navarre, Éditions Albin Michel, 1997-2007
  • Série Percy Jackson, Éditions Albin Michel, 2006-2010
  • Série Les Héros de l’Olympe, Éditions Albin Michel, 2010-2014
  • Série Les Chroniques de Kane, Éditions Albin Michel, 2010-2012
  • Série Magnus Chase et les Dieux d’Asgard, Éditions Albin Michel, 2015-2017
  • Série Les travaux d’Apollon, Éditions Albin Michel, 2016-2018
  • Série Les 39 clés : tome 1 et 11, Éditions Bayard Jeunesse, 2008-2011

Biographie rapide de l’auteur :

Nationalité : américaine
Né  en 1964
il reçoit plusieurs prix littéraires au fil de sa carrière littéraire : le prix Shamus et le prix Anthony en 1998, le prix Edgar Allan Poe en 1999, le prix Mark Twain Award en 2008 et les prix Mark Twain Award et Rebecca Caudill Award en 2009.

 

Pour aller plus loin :

→ Analyse rapide de Magnus Chase et les Dieux d’Asgard : L’épée de l’été par Payot libraire et l’émission Marque-Page

→ Interview de Rick Riordan

Sources :

Site éditeur, consulté le 20/11/2018

[1] Midgard est le nom donné à la planète Terre dans la mythologie viking.

[2] Le Ragnarok renvoie à une fin du monde prophétique