Littérature française

Leïla SLIMANI, Chanson douce

Leïla SLIMANI, Chanson douce 

Editions Gallimard, 2016
Editions Folio, 2018
Collection Blanche
ISBN 2070196674 

Diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, Leïla Slimani se voue tout d’abord au journalisme dans l’hebdomadaire Jeune Afrique en 2008. Finalement en 2012 elle décide de se consacrer totalement à sa passion : l’écriture. En 2014 elle publie son premier livre, Dans le jardin de l’ogre, chez Gallimard. Deux ans plus tard, la consécration arrive lorsqu’elle obtient le prix Goncourt pour Chanson douceLe 6 novembre 2017, elle est nommée représentante personnelle d’Emmanuel Macron pour la promotion de la francophonie.  

Chanson acérée 

« Louise ? Quelle chance vous avez d’être tombé sur elle. Elle a été comme une seconde mère pour mes garçons. Ça été un vrai crève cœur quand nous avons dû nous en séparer. Pour tout vous dire, à l’époque, j’ai même songé à faire un troisième enfant pour pouvoir la garder. » (p. 30/31) 

 Lorsque Myriam souhaite reprendre le travail, trouver une nounou devient indispensable. Mais cela ne doit pas être n’importe qui. Heureusement, Louise semble la candidate parfaiteLa bonne entente entre elle et les enfants, son assiduité, ses heures supplémentaires sans jamais rien réclamer, l’appartement qui est toujours nettoyé à la perfection à la fin de la journée, les délicieux repas qu’elle prépare… La nounou idéale devient incontournable dans la famille, indispensable aux yeux des enfants comme des parents. Mais cette présence, omniprésente se transforme doucement en piège mortel.  

Leïla Slimani nous livre, dans son deuxième roman, une ambiance oppressante à souhait. À travers ses différents personnages, la famille ainsi que la dépression prennent un autre sens. Chacun d’eux est étroitement lié à l’événement qui construit le roman : l’assassinat. Tout reste à savoir : pourquoi ? Une question qui revient comme le refrain d’une chanson dans les intrigues. Les explications sont absentes ou peu détaillées abandonnant le lecteur dans des questionnements continuels. Pourtant au milieu de cette enquête dont le lecteur ne sait que peu de chose, on suit surtout une évolution des personnages et par la même occasion une évolution de l’atmosphère.  

« Louise s’apprête à poser l’enfant quand elle sent une douleur atroce dans l’épaule. Elle hurle et essaie de repousser la petite fille, qui la mord jusqu’au sang. » (p. 105) 

 À mesure que les pages défilent, nous pouvons observer la dégradation des relations, semant sur son passage des notes discordantes : la solitude de Louise, le tiraillement de Myriam entre son devoir maternel et son désir de réussite. Leïla Slimani nous tient en haleine, maîtrisant cette Chanson douce qui glisse inéluctablement de la comptine pour dormir à l’âpre description de scène de crime.  

« Le bébé est mort. […] La petite, elle, était encore vivante quand les secours sont arrivés. […] Adam est mort. Mila va succomber. » (p. 13-15) 

 Un refrain dissonant 

 L’auteure fait le pari de dévoiler à son lecteur la fin de l’histoire avant même que celle-ci ne commence. Alors, comment peut-on encore être surpris par la suite ? Leïla Slimani construit un récit qui rend chaque page dépendante de la précédente. Chaque événement est rigoureusement lié, rien ne fonctionne sans le chapitre antérieur. Elle joue ainsi sur nos angoissescar nous, nous savons ce qui va se passer. Cette vie qui nous est détaillée, ces refrains et ces couplets que nous connaissons nous-mêmes, ne mènent qu’à une seule issue. Avec ce quotidien, l’auteure joue sur nos sentiments et particulièrement sur nos espérances, autrefois vibrantes. Elles deviennent à présent frissonnantes.  

Comme dans son premier roman, Dans le jardin de l’ogre (2014), Leïla Slimani exclut tout sentiment. Ces deux romans développent aussi la notion d’extrême. Les personnages principaux (ici Louise et Adèle pour Dans le jardin de l’ogre) sont toutes les deux prises dans des engrenages qu’elles ne contrôlent plus. Violence pour l’une et désir sexuelle pour l’autre. Chacune est tourmentée et incapable de se défaire d’un cercle vicieux qui les entraine doucement vers l’irréparable.  

 Les obsessions de Louise font aussi de cette Chanson douce, un air cacophoniqueAlors qu’elle est en apparence parfaite, il est rapidement exposé que Louise porte aussi ses failles. Des failles qui ne cessent de s’élargir à chaque page et que personne ne voit. Cette plongée en enfer, reflet de tristes réalités lorsque l’argent vient à manquer, nous dévoile un esprit tourmenté, ce qui saura ravir les amateurs d’enquêtes glaçantes tout comme les partisans des drames.  

 «  La carcasse sent le liquide vaisselle à l’amande douce. Louise l’a lavée à grande eau, l’a nettoyée et elle l’a posée là comme une vengeance, comme un totem maléfique. » (p. 176)

Sources :  

Site éditeur 

 Biographie de l’auteure  

Nationalité : Franco-marocaine
Née à :Rabat, 1981
Journaliste et réalisatrice de dJournaliste et écrivaine franco-marocaine. Lauréate du prix Goncourt 2016. Représentante de la francophonie. 

Bibliographie non exhaustive de l’auteure : 

Dans le jardin de l’ogre, Gallimard, 2014
Sexe et mensonges, Les arènes, 2017
Paroles d’honneur, Les arènes, 2017
Simone Veil, mon héroïneL’aube, 2017

Voir la critique de Sophie Pandellé sur le même roman