Littérature américaine

Philip K. DICK, Electric Dreams

Philip K. DICK, Electric dreams

Traduit de l’anglais par Hélène Collon, Marcel Thaon, Pierre-Paul Durastanti, Alain Dorémieux, Daphné Halin et Bruno Martin.
Traductions revues et harmonisées par Hélène Collon
Textes d’introduction traduits par Pierre-Paul Durastanti.
Pour les traductions : Éditions Denoël, 1996, 1997.
Pour la présente édition : Éditions J’ai lu, 2018.
ISBN : 9782290155349

Un plongeon dans le futur

« Philip K. Dick vous laisse choir de très haut dans son monde, sans explication, sans excuse. Chez lui, les règles se retrouvent suspendues ; on passe de zéro à cent kilomètres-heure en une milliseconde, donc tâchez de garder la tête froide. »
Matthew Graham, page 11

C’est ainsi que Matthew Graham, scénariste et producteur de télévision1, définit l’œuvre de Philip K. Dick dans le nouveau recueil Electric Dreams parut en 2018.

Philip K. Dick fait partie de ces auteurs de science-fiction dont on mesure de plus en plus l’importance. Maître incontesté dans son domaine, il se voit maintenant adapté au cinéma et à la télévision (Blade Runner, Blade Runner 2049, Minority Report, Le maître du Haut Château…). Plus récemment, en 2017, la série Philip K. Dick’s : Electric Dreams2,produite par Ronald D. Moore et Michael Dinner et comprenant un scénariste différent par épisode, reprend les nouvelles de l’auteur. Le recueil Electric Dreams, paru en 2018, regroupe les dix nouvelles de cette série et inclut en avant-propos de ces nouvelles un commentaire de son scénariste.

Intelligence artificielle, mondes parallèles, manipulations, nouvelles technologies… Les nouvelles de Philip K. Dick nous transportent dans un univers où les frontières du réel se brouillent. Par sa prose énergique, il soulève des questions éthiques fondamentales. Qu’est-ce que l’Humain ? Est-il seulement plus humain que les machines qu’il a créé ou agit-il toujours dans son propre intérêt ? N’est-ce pas justement le propre de l’Humain ?

Une sombre manipulation

C’est bien de cela que parle Philip K. Dick dans son palpitant recueil. La nouvelle « Immunité », placée en tête de l’ouvrage, rend magnifiquement compte d’une forme de manipulation qui intéresse grandement notre auteur : la manipulation mentale. En effet, il s’agit d’un groupe minoritaire et élitiste d’individus génétiquement modifiés, les T.P, qui, grâce à leur aptitude de télépathie, vont essayer de prendre le contrôle. Une résistance se met alors en place grâce à des casques immunitaires protégeant les pensées du porteur.

Ainsi « Immunité » pose la question de la liberté de penser. Une société peut-elle se permettre de forcer un esprit et ainsi violer l’intimité la plus profonde d’un individu afin de juger de sa loyauté ?

« Il y a chez l’individu sondé une déloyauté considérable. Plus idéologique que déclarée. Vous voudrez sans doute l’arrêter. » (« Immunité », p.23). Abus de pouvoir à la solde d’un état totalitaire ? Il est en tout cas bel est bien question d’une grande et sombre manipulation…

Être humain c’est…

Vaste question… Cette nouvelle particulièrement touchante va tenter de répondre à cette thématique chère à notre auteur.

Elle met en scène deux personnages, Jill et Lester, dans un monde en guerre intergalactique qui doit faire le choix du sacrifice ultime afin de préserver sa survie. Malgré des implications éthiques, les vrais enjeux restent émotionnels et universels. Jill doit faire face à son mari indifférent et violent. Comment va-t-elle réagir quand elle retrouvera Lester étrangement changé au retour de son voyage ?

Il s’agit ici de présenter une vérité existentielle face à des circonstances cruelles et provocantes. « Malgré la collision inévitable de l’évolution, de l’innovation et de la technologie, une vérité fondamentale subsiste : être humain, c’est aimer. » (Jessica Mecklenburg3, 177).

Le marketing de la terreur

« Ça ne lui servirait à rien de creuser. Quand les bombes se mettraient à tomber, il serait tué instantanément, de toute façon. Toutes les piqûres qu’on lui avaient faites dans les bras, les cuisses et les fesses étaient inutiles. Il avait gaspillé son argent de poche : Mike Foster ne resterait pas suffisamment longtemps en vie pour attraper les maladies propagées par les armes bactériologiques. Sauf si… » (« Foster, vous êtes mort ! », 314).

Cette avant-dernière nouvelle du recueil, centrée sur l’angoisse générée par la Guerre Froide, est une étude astucieuse et cynique de la manière dont les entreprises exploitent les inquiétudes des gens pour en retirer de juteux bénéfices.

En parallèle de cette critique cinglante, Philip K. Dick nous livre ici une description franche des êtres et des rapports humains. Nous allons suivre un père et un fils dont la relation semble se dégrader à cause de leurs points de vue inconciliables, l’un soucieux de résister à la pression de la société tandis que l’autre est préoccupé à l’idée de s’intégrer et mû par un instinct de survie primaire. L’instinct tribal va-t-il surpasser le lien du sang ?

Philip K. Dick est sans nul doute un maître incontesté de la science-fiction. Ce bâtisseur d’univers à l’imagination riche vous transportera en un clin d’œil dans ses nouvelles particulièrement cinématographiques où l’ordinaire se mêle à l’extraordinaire.

1 Il a crée les séries Life on Mars et Ashes to Ashes et il est l’auteur de la minisérie Childhood’s End : Les enfants d’Icare tirée du roman d’Arthur C. Clarke. C’est ici le scénariste qui a adapté la nouvelle Immunité.

2 Produite par Sony Pictures et diffusée sur la plateforme Amazon Prime Vidéo.

3 Scénariste et productrice connue pour la série Netflix Stranger Things. Scénariste de Être humain c’est…

Charlène, 1A, Edition-librairie, 2019-2020

Sources :
Pour la biographie de l’auteur :
Le site de l’éditeur J’ai lu
Le site de la BNF

Biographie de l’auteur :

Nationalité : Américaine.
Naissance : 16 décembre 1928, Chicago.
Décès : 2 mars 1982, Santa Ana, Californie.

Auteur de romans, nouvelles et essais de science-fiction.
Il a été adapté de nombreuses fois au cinéma et la la télévision.
Thèmes de son œuvre : l’intelligence artificielle, les mondes parallèles, les simulacres, la manipulation.
Interrogations fondamentales : Qu’est-ce que l’humain ? Qu’est-ce que la réalité ?

Bibliographie non exhaustive :
Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, Champ libre, 1976.
Le maître du Haut Château, OPTA, 1970, Prix Hugo du meilleur roman.
Ubik, Robert Laffont, 1970.