Littérature française

Capucine et Simon JOHANNIN, Nino dans la nuit

Capucine et Simon JOHANNIN, Nino dans la nuit

Allia, 2019
ISBN 1030410119

Nino dans la nuit est le deuxième roman de Simon Johannin coécrit avec sa compagne Capucine Johannin. Ce roman nous dépeint, à travers une écriture poétique et riche en métaphores, la vie misérable et remplie de galères à laquelle tentent de survivre des jeunes banlieusards parisiens en marge dans notre société actuelle : « Si on avait su que c’était ça le futur on n’y serait pas allés, moi en tout cas je serais pas venu ». (p.41)

Une jeunesse en marge d’un système inadapté

Nino dans la nuit, c’est avant tout l’histoire d’une jeunesse marginale qui tente de trouver sa place dans un monde qui ne veut pas d’eux. Sans diplôme, sans argent et sans famille sur qui compter, Nino et Lale, sa petite amie, sont délaissés par la société et tentent d’y survivre tant bien que mal. S’enchaînent alors les petits boulots ingrats et mal payés qui ne suffisent pas à payer le loyer et à acheter la nourriture. Mais Nino ne se résigne pas et multiplie les combines pour ramasser de l’argent à tout prix : vol et revente de vélos et trottinettes, vol à l’étalage et même trafic de drogue et de bijoux. Car dans ce système inadapté à ces jeunes, l’argent est roi et Nino l’a bien compris : « j’adresse aux astres une lettre qui dicte l’alignement souhaité pour tous les jours qui viennent. Monnaie, monnaie, monnaie. » (p.108).

Ce roman met aussi en avant des problèmes trop peu souvent représentés. Le seul fait de dormir au chaud et de trouver de quoi manger est un combat quotidien. Et cette manière de vivre ne laisse aux personnages aucune perspective de vie, aucun espoir de réussite sociale ou professionnelle. Leur horizon est complètement bouché.

Une critique de la société

Simon et Capucine Johannin nous exposent aussi, à travers les pensées du personnage très observateur qu’est Nino, une critique de la société actuelle très matérialiste. Une société dans laquelle l’argent est roi, dans laquelle sans diplôme on ne réussit pas, dans laquelle chaque personne ayant un peu de pouvoir l’utilise pour escroquer les autres. Un système où les gens pauvres n’ont pas leur place et sont traités comme des moins que rien :

« Le clochard à Paris il passe après le pigeon, le chien, le chat. Il est grosso merdo sur le même barreau que le rat sur l’échelle de la sympathie. Moi je m’en bats les couilles, je préfère les rats aux pigeons, au moins ils se contentent de chier par terre et pas depuis des hauteurs insoupçonnables. » (p.60).

Ce personnage avec une vision assez pessimiste du monde se moque également de l’omniprésence des écrans et du numérique dans nos vies. Nous passons le plus clair de notre temps sur nos téléphones sans prendre le temps de nous intéresser au monde qui nous entoure : « Plus personne se tient droit, tout le monde a sa nuque qui fait un angle étrange pour avoir le visage oublié dans le téléphone. » (p.61).

L’amour et la nuit comme seuls espoirs

Dans cette existence de galère où presque aucune perspective d’une vie meilleure n’existe, le seul espoir de Nino est Lale, sa petite amie.

« Non, j’ai attendu que tu rentres pour me remettre à vivre, je suis resté seul dans ma tête depuis la dernière fois que je t’ai vue. » (p.56).

Nino dans la nuit, c’est aussi l’histoire d’un amour avec un grand A. Un amour qui guérit tous les maux, qui fait oublier tout ce qui est mauvais, qui apporte de la lumière dans les moments les plus sombres. Et cet amour qui représente tout aux yeux de Nino et Lale leur permet de tenir le coup, de ne pas se noyer dans la noirceur de la nuit.

Mais toutes les nuits ne sont pas sombres. Dans les clubs de Paris, sous les lumières bleues et rouges, Nino et sa bande se rejoignent pour danser. Défoncés par toutes sortes de substances, ils relâchent la pression accumulée durant la journée. La nuit représente un exutoire où tout le monde a sa place et s’autorise à être soi-même. Homosexuel ou hétérosexuel, riche ou pauvre, jeune ou vieux, tous se mélangent, toutes les différences se réunissent pour se mouvoir ensemble, en symbiose.

« Des étudiants, des gens qui bossent un peu, d’autres qui claquent un héritage et des fêtards à temps plein, tous très motivés à l’idée de passer la nuit à suer sur du son et réunis par ça. » (p.184).

Au fond, Nino et ses amis survivent le jour et attendent la nuit pour vivre.

Et c’est inquiétant et paradoxal. En effet, ces jeunes se sentent obligés de prendre des drogues et de boire de l’alcool pour être totalement eux-mêmes dans une société qui abandonne les gens inadaptés aux conventions. Finalement, ils ont besoin de ne plus être eux-mêmes pour le devenir.

E.M., 2A Bibliothèques-Médiathèques, 2019-2020.

Sources :
Pour la biographie des auteurs :
Site des éditions Allia

Biographies :

Simon Johannin : Né en 1993, Simon Johannin quitte le domicile familial à 17 ans et s’installe à Montpellier pour suivre des études de cinéma à l’Université, qu’il abandonne rapidement. Il enchaîne ensuite plusieurs petits boulots (travail en intérim et vendeur de jouets) avant d’intégrer l’atelier d’espace urbain de l’école de La Cambre (arts visuels) à Bruxelles.

Capucine Johannin : Photographe et romancière née en 1991 dans la banlieue Sud de Paris. A dix-sept ans, elle quitte seule la France pour l’Irlande, puis part en Australie travailler dans un motel. Là-bas, les grands espaces l’inspirent et elle prend ses premiers clichés.

Pour aller plus loin :