Littérature anglaise

M.J. ARLIDGE, Am Stram Gram

M.J Arlidge, Am Stram Gram       

Traduit de l’anglais par Elodie Leplat.
Titre original : Eeny Meeny.                                                                                                      
Première parution : Penguin books, 2014                                                            
Première parution française en grand format : Les Escales dans la collection Les Escales noires, 2015                                                                                                             
Pour la parution en format de poche : 10/18, 2016                                       
ISBN : 9782365690812

Plouf plouf ce sera toi …                                           

Am Stram Gram dans l’esprit commun est une musique d’enfant pour désigner un joueur. Et c’est donc un très bon choix de titre car on suit l’enquête d’Helen Grace et de son équipe qui se démène pour retrouver des duos de personnes kidnappés et séquestrés dans un huit clos fatal. La seule solution pour ces paires : que l’un tue l’autre avec le pistolet laissé par la meurtrière.

Une plume intense 

            Dès la première phrase nous sommes plongés dans ce roman : « Sam dort. Je pourrais le tuer là maintenant ». (p.7) C’est puissant, ça donne envie de continuer, c’est d’une simplicité aberrante. La plume est claire par ces choix de mots simple accessible à tous. Nette par sa précision qui donne parfois froid dans le dos.  

Et la rapidité des chapitres créer un suspense haletant par la dernière phrase qui engendre un désir d’aller plus loin dans la lecture, de plus la taille de ces derniers ne dépasse que très rarement les quatre pages. Ces chapitres constituent un très bon page turner et le lecteur s’oublierait presque dans ces pages tant on les tourne à grande vitesse. Ainsi le rythme de sa plume est tout le temps à son paroxysme, seul quelques rares passages calment cette intensité pour permettre à la tension de revenir encore plus forte. De plus étant au même niveau que l’enquêtrice et loin du Whodunit, on ressent cette angoisse  à travers les pages.

            Mais il a surtout une écriture cinématographique. Parce que l’auteur travaillait en tant que producteur, on sent cette influence filmique dans son livre, et ainsi on arrive très facilement à visualisé les scènes qu’il conte. C’est un scénario de film qu’il nous propose en roman. Tout va vite, tout s’enchaine, il y a plusieurs histoires qui se mêlent et se mélangent.

Des personnages d’une simplicité complexe

            Cette enquête est menée par des personnages un peu stéréotypés toute fois. L’auteur nous dévoile les faiblesses et les parts sombres de chaque personnages principaux de l’enquête. En allant du plus connu avec un enquêteur alcoolique et en tirant vers le plus extrême avec le gout du BDMS de l’enquêtrice principale, qui ne vit sa vie que pour son travail, caractère bien trop connu, notamment dans ce genre romanesque. Bad girl et parfaite en tout point, seul son gout pour la violence lui fait tache dans ce roman. Et c’est un peu facile de la part de l’auteur de nous présenter comme personnage principale l’archétype  du héros croisé avec celui du dominant fondé par Jung. Il y a également une journaliste prête à tout pour le moindre scoop. Des petits détails dans les personnalités qui peuvent empêcher le lecteur de croire en ses personnages, de s’attacher ou même de s’identifier. Mais ces parts sombres bien connus apportent aux moments voulus des éléments à l’histoire. L’auteur prend ainsi le soin d’alimenter sans excès ces personnalités pour ensuite montrer l’humanité caché, le pourquoi du comment.

« L’alcool avait fini par le terrasser, par lui prendre tout ce qu’il avait de bon. Il était l’incarnation même de l’homme brisé, avec pour seule perspective une vie entière d’apitoiement sur soit et de récrimination. »  

Des scènes inédites qui questionnent le lecteur

            Pour finir, je parlerai de certaines scènes qui sont de loin les points forts de ce roman et qui en fait toute l’originalité. Parce qu’il y a de nombreux polars où des personnages sont kidnappés, ici Arlidge a rajouté une nouveauté, une spécificité supplémentaire qui accroche le lecteur : les scènes très détaillé de rapts. Dans ces scènes, nous suivons la longue descente aux enfers des paires enfermées. Tout est très bien détaillé, notamment leurs portraits psychologiques qui se détériore au fil des pages et qui est magnifiquement bien décrit par l’auteur. On suit donc les personnages baigné, au début de leur captivité, de peurs et de questions ; puis ils essayent de sortir en s’entre aidant. Et enfin la folie s’installe en eux : ils sont fous de faim et ils retrouvent leur instinct primitif avec la seule envie : que ce piège s’arrête.L’auteur fini par décrire, on pourrait penser, à travers le vocabulaire et les scènes décrites, des animaux. « Sa plaie était infectée de vers. Il porta sa main à sa bouche et balaya les asticots d’un coup de langue. »(P.372) Cette perte d’humanité va en crescendo et ainsi rajoute un naturel à ces scènes qui ne peuvent l’être. Ces scènes de huit clos sont donc indispensables à ce roman pour qu’il ait une spécificité et une accroche. Des scènes illustrées à la perfection et qui entrainent très facilement le lecteur. 

Egalement avec ces scènes, l’auteur soulève un thème intéressant pour le lecteur: l’égoïsme de l’homme. Jusqu’où est-on prêt à aller pour sa vie ? Sacrifier un être que l’on aime ? Tuer  ou se sacrifier ?  Le lecteur peut alors à travers ces pages se demander ce qu’il aurait fait. M.J Arlidge utilise, nous pouvons le voir ainsi, un roman pour faire une critique de la société. Puisque qu’elle est décrite comme individualiste et perverse,  ici la meurtrière force ces victimes à choisir lequel vivra et lequel mourra, comme dans nos shows de téléréalité.

Quoiqu’il en soit, les « gagnants » du piège sont souvent, au final, qu’une victime à retardement. Car le retour à la vie, n’épargne pas le gagnant qui devient alors à son tour la victime de son crime exhorté.  Ainsi, malgré le crime abouti, l’auteur va au bout des choses et continue de faire vivre son personnage. Cela apporte beaucoup pour la construction de ce page turner, car les victimes sont présentes jusqu’à la fin et cela montre une certaine continuité pour le lecteur.

M.J Arlidge est un scénariste et producteur britannique. En 2014 il publie Am Stram Gram de son titre original Eeny Meeny, le premier tome d’une série de cinq titres.

Marie Herraiz, 2A Edition-librairie, 2019/2020

Sources
Le livre Am Stram Gram.
Pour la biographie de l’auteur.
Entretien avec l’auteur au salon Saint-Maur en poche, consultable sur la chaîne de la librairie La Griffe noire.
Sur les 12 archétypes de la personnalité de Jung : site Nos pensées.

Biographie de l’auteur 

 

Né le 10 octobre 1974 (Londres).

Il a été diplômé de littérature anglaise à Cambridge. Puis il a travaillé pendant plusieurs années en tant que scénariste pour la télévision et en parallèle  dirigeant d’une maison de production indépendante, et ainsi plusieurs séries policières sont apparues. En 2014 il écrit son premier roman. Il explique dans une interview qu’il a toujours voulu écrire mais qu’il reportait ce projet à plus tard. Le lendemain de ses quarante ans, il s’est dit : « c’est maintenant ou jamais ». 

Bibliographie 
Am Stram Gram, Les escales, 2014
Il court, il court le furet, Les escales, 2016
La maison de poupées, Les escales, 2017
Au feu les pompier, Les escales, 2018
Oxygène, Les escales, 2019