Littérature française

Fred ALPI, Cinq ans de métro

Fred Alpi, Cinq ans de métro

Libertalia, 2018
ISBN : 978-2-37729-046-8

Un destin hors norme au travers d’une aventure unique

Cinq ans de métro est une œuvre publiée aux éditions Libertalia. La maison d’édition née sous le même nom que l’ouvrage de Daniel Defoe souhaite armer les esprits contre le libéralisme, l’égoïsme généralisé et le capitalisme. Les livres publiés à cette édition ont une forte culture antifasciste et libertaire. Ils s’intéressent à tous les destins hors normes et idées révolutionnaires et ils reposent sur le principe de la liberté radicale et la démocratie.

Le récit hautement autobiographique de Cinq ans de métro s’inspire de l’expérience de son auteur. Néanmoins, il est précisé que certaines scènes ou événements ne sont pas vrais ou ne se sont pas passés exactement comme ils ont été racontés.

Nous suivons l’histoire de Fred Alpi, né suédois et ayant habité à Amiens, Bruxelles ou encore Berlin. Il arrive à Paris en 1991, sans un sou, avant la chute du mur. A cette époque-là, il enchainait encore un cycle précaire de petits boulots. Le personnage en soif de liberté ne supportait plus les patrons et voulait quitter la vie qu’il qualifiait « d’esclave salarié ».  

Lui, ce qui le faisait vibrer, c’est la musique. De même, il se sentait attiré par le métro. Alors un jour, Fred prit sa guitare, celle qu’il avait depuis ses douze ans, et décida de se lancer :

« De la même façon que lorsqu’on veut surmonter l’appréhension de se baigner dans une eau trop froide, on s’y jette d’un seul coup, j’entre dans le métro, ligne 1, celle que je prenais pour aller bosser. » (p.23)

A cette époque, le règlement du métro, promulgué le 9 décembre 1968 par Maurice Papon, était affiché dans les wagons. Il était « interdit de se livrer à la mendicité et de troubler la tranquillité des voyageurs dans les transports en commun ». Il fallait se munir d’un passeport pour pouvoir jouer dans les wagons. De même, c’était la montée du néolibéralisme et les vigiles de la RATP étaient postés un peu partout dans le but de traquer les « musicos », les « clochards », tout ce qui faisait désordre. Fred bien qu’en règle, observera d’un œil très critique cette nouvelle loi.

Le ton d’écriture est très cru, accentuant le point de vue du peuple opprimé :

« Un clochard de ceux que l’on appelle hypocritement « sans domicile fixe », somnole, assis sur un banc. De façon évidente, il n’a pas de domicile du tout, ni fixe, ni mobile, et c’est pour ça qu’il faut l’appeler sans-abri, parce que c’est ce qu’il est, lui comme tous ceux qui vivent dans la rue. »

La musique au cœur de l’histoire

Cette épopée dans le métro dure 5 ans, de 1991 à 1995.

Le livre se découpe en 17 chapitres, chacun portant le nom d’une chanson de variété française. Ce répertoire est composé des chansons que l’auteur a jouées lors de ces 5 années dans les souterrains parisiens : Brel, Dutronc, Piaf ou encore Gainsbourg.

Ses prestations lui rapportent près de 1 200 € par mois, de quoi tout juste se nourrir et payer son loyer. Le musicien aime ce qu’il fait, même si son entourage demeure inquiet de sa situation précaire. L’utilisation des chansons populaires françaises a pour finalité d’animer le lieu morne du métro et devient au cœur de la vie de Fred.

Fred côtoie de nombreux autres musiciens du métro. Mélange de cultures, la musique rassemble les différentes classes sociales même si cette mixité ne fait pas toujours l’unanimité.

« Quatre percussionnistes noirs frappent vigoureusement leurs instruments, impulsant un rythme J’entends un grincheux marmonner entre ses dents : « Putain de bamboulas, ils peuvent pas retourner dans leur jungle, non ? » (p. 93)

Le livre aborde des thèmes comme le racisme ou le sexisme.

Aujourd’hui, plus que jamais, chanter dans les wagons est devenu une activité illégale et en voie de disparition. Fred Alpi regrette cette baisse, car « Le fait d’entendre quelques chansons peut également contribuer à transformer l’atmosphère qui règne dans un wagon. » (p.149)

La musique est un moyen d’unir les foules et un facilitateur de rencontres.

Un témoignage fraternel composé de rencontres singulières

Si ce roman aborde le thème de la musique, c’est aussi avant tout des rencontres hautes en couleur. Dans les souterrains de Paris, Fred rencontre de nombreux SDF, musiciens, mais également des marginaux. Il y fera la rencontre marquante de Michel, un ex-militaire à l’histoire tragique avec qui il échangera beaucoup.

Ce sont aussi ces rencontres dans les wagons du métro qui le transformeront. Malgré de beaux moments, il est confronté à des réalités qui lui étaient jusque-là inconnues : harcèlement sexuel, racisme, ou encore ivrognes aux odeurs écœurantes.

Cinq ans de métro est un roman de 230 pages qui se lit d’une traite. En nous perdant au fil des longues anecdotes racontées, Fred Alpi rend l’immersion dans les souterrains parisiens plus forte. Le style d’écriture est entraînant. Les aventures relatées ne laisseront pas les lecteurs indifférents car l’auteur mène des polémiques sur des sujets sociétaux et n’hésite pas à donner son opinion politique : j’ai justement apprécié cette ouverture au débat que je vous conseille vivement.

Fanny Schwaller, 2A Bibliothèques-Médiathèques / Patrimoine, 2019-2020.

Sources :
Site de Libertalia.
Streetpress
Interview dans  l’émission  Chroniques rebelles de Radio Libertaire
Site de l’auteur
Les Inrockuptibles, article sur la maison d’édition Libertalia.

Biographie de l’auteur : 

Nationalité : Française

Né à : 1962, en Suède

Fred Alpi est un chanteur franco-suédois qui joue et chante dans le trio de rock The Angry Cats. Cinq ans de métro est son premier roman. Il traduit également pour les éditions Libertalia.

Bibliographie :
Traducteur de Pirates de tous les pays, Marcus Rediker, Editions Libertalia
Traducteur de Les Forçats de la mer, Marcus Rediker, Editions Libertalia
Préface de la traduction de La création d’une contre-culture ouvrière, Joe Hill, Editions Libertalia

Pour aller plus loin :
Chaîne youtube du compositeur