Littérature belge

Martin RYELANDT, Le Cavalier

Martin Ryelandt, Le Cavalier

Editions MaelströmReevolution, 2014
ISBN : 978-2-87505-191-2

Enchaînement et intensité.

L’auteur belge Martin Ryelandt nous offre en 2014 son second roman ; Le Cavalier. Ecrit avec un style minimaliste, le roman se découpe en chapitres très courts d’une longueur ne dépassant jamais les quatre pages, nous proposant donc 93 chapitres numérotés. L’auteur adopte un phrasé très succinct, où les descriptions sont simples et s’enchaînent.

« Toute sa vie, il était resté derrière un guichet. Séparé de la vie par une paroi en plexiglas. Dans un sas, en attente de la chevauchée. A présent, comme jadis en Amérique, il flottait à la limite des points de fuite. Là où la terre coïncide avec le ciel. » (p.35)

On suit une histoire montée de manière parallèle avec un quatuor principal : Antoine Friedland un homme imposant qui travaille en tant que guichetier dans un bureau de poste, Louise une femme biélorusse cherchant à oublier son passé, Aston Martin un homme mystérieux accro à James Bond et ses références et qui orchestre un trafic particulier, et enfin Wilbur un homme qui possède le titre de prince et qui vit reclus sur son domaine situé sur la Montagne Bleue. Chaque chapitre est donc l’occasion de changer de point de vue sur l’histoire, sans cycle régulier établi. Ces changements de point de vue n’altèrent nullement la compréhension du récit, les enjeux narratifs sont justement suffisamment bien démontrés pour que le lecteur ne se sente pas perdu. Ainsi nous nous surprenons à nous prendre au jeu et à enchaîner notre lecture afin de « switcher » entre les personnages et de reprendre là où nous les avions laissés il y a trois-quatre pages de cela.

Les références comme élément narratif et caractérisation.

Martin Ryelandt doit être une personne qui aime la culture de manière générale, et qui cherche à partager ses goûts avec son lecteur par le biais de son récit. En effet l’auteur use de références musicales, cinématographiques ou bien littéraires comme de vrais éléments narratifs. Le personnage d’Aston Martin en est un parfait exemple. Le personnage a adopté lui même cette marque automobile comme pseudonyme, et ne se cache pas d’être un fan de James Bond, jusqu’à posséder les mêmes modèles de voiture utilisés dans les films.

« – Aston Martin ?
– Oui, dit l’inconnu. Une sorte de sobriquet… Je suis fan de James Bond et de ses bagnoles. Je possède la DB5 de Goldfinger, mais sans les gadgets naturellement ! » (p.47)

La musique est également centrale dans le récit par le biais d’un groupe français et d’un de leurs morceaux les plus connus, à savoir le groupe Louise Attaque et de leur morceau « J’t’emmène au vent ». On retrouve assez souvent parsemés dans le récit des bouts de paroles de la chanson, ou des moments diégétiques avec une vraie écoute du morceau par le personnage. Ces passages sont pour la plupart présents lorsque l’on suit le personnage d’Antoine, et les paroles énoncées illustrent les pensées et les émotions du personnage en lien avec les éléments narratifs. Le prénom « Louise » a également son importance au sein du récit puisqu’il est illustré de différentes manières : nom de groupe, prénom du personnage, nom de rue…

« J’t’emmène au vent… » Instantanément, Antoine Friedland se souvint du refrain : Allez viens j’t’emmène au-dessus des gens… Il comprit que l’arrivée du petit homme à l’air affable annonçait un mouvement de cavalerie imminent. » (p.114)

Le hasard ne fait pas bien les choses.

On met un peu de temps avant de s’en rendre compte, mais l’un des thèmes principaux du récit, c’est avant tout le hasard. En effet, il est question beaucoup de hasard, mais pas au sens de facilité scénaristique. Ici, c’est le hasard du quotidien, qui rythme nos vies. Le hasard d’une rencontre, qui transforme une vie, ou qui la fait basculer. C’est de ce hasard là dont il est question. Nous qui jonglons entre les personnages et leur point de vue, nous serons amenés à comprendre en avance de quoi il va en retourner lors du climax, mais les personnages ne le sachant pas seront simplement victimes du coup du hasard. L’auteur nous fait passer du rôle de simple lecteur à celui de spectateur de destins mêlés, et nous aimerions vraiment pouvoir avertir ces personnages sur ce qui les attend.

« Avant même que celui-ci eût levé les yeux sur elle, Louise comprit qu’elle le connaissait. » (p.42)

Ce livre nous plonge donc autour de personnages aux désirs de vengeance, de trafic, de recherche de soi, d’amour. Mais il nous parle également de sujets sensibles et importants tels que les violences faites aux femmes, la régression sociale et ses conséquences…

Le Cavalier est un drame social que je vous conseille fortement, et qui est une bonne porte d’entrée vers la littérature belge.

Killian Ladame, 2A Bibliothèques-Médiathèques / Patrimoine, 2019-2020.

Biographie 

Nationalité : Belge
Né à : Bruges, 1952
A commencé à se faire connaître en tant que scénariste de BD chez Tintin Reporter, Hélyode, Delcourt et Glénat. Il publia son premier roman L’incendiaire en 2006. C’est un grand admirateur de Stendhal, Custine, Céline mais également de littérature américaine : Harrison, Banks…

 

Bibliographie complète
Yasuda (roman graphique) 4 tomes 1991-1995, ed.Hélyode
L’incendiaire, 2006, ed.Carnets d’Ostrov
Le Cavalier, 2014, ed.MaelströmReevolution

Pour aller plus loin
Sur le hasard :
Le Joueur, Dostoïevski,1866.