Littérature américaine

Edith WHARTON, Xingu

                                                             

Edith WHARTON, Le Xingu : ou l’art subtil de l’ignorance

Traduit de l’anglais par : le département de la Librairie Arthème Fayard, 2000.
L’Apprentie, 2019
ISBN : 2956766201

Le petit manuel de l’hypocrisie mondaine.

Un siècle après sa parution en 1916, les éditions L’Apprentie nous gâtent de l’une des nouvelles les plus drôles et étonnantes parmi celles qu’Edith Wharton nous avait offertes en son temps : Le Xingu ou l’art subtil de l’ignorance.

Présenté en format carré, dès la prise en main, le livre a tout pour plaire. Compact, le Xingu est la quintessence du livre de poche, poches dans lesquelles il rentre aisément, avec une couverture rigide lui permettant de subir les sévices du transport, l’ouvrage a tout d’un petit manuel à transporter partout. Qui plus est, c’est un véritable hommage à Edith Wharton, tant les éditions L’Apprentie ont voulu  retranscrire au mieux le texte de l’auteure. En effet, en plus d’une version française permettant l’accès au texte à tout amateur de critique intelligente, au verso, le livre nous révèle un deuxième sens de lecture avec cette fois-ci le texte original. Ainsi ce petit livre comporte deux fois le récit : jamais acheter une nouvelle n’a paru si gratifiant.

Edith Warthon était une romancière du début du 19ème siècle. Très engagée lors de la Première Guerre mondiale, elle aura écrit nombre de récits, notamment sur la condition féminine. Le Xingu : ou l’art subtil de l’ignorance n’est pas son œuvre la plus connue, mais reste le titre phare de son recueil de nouvelles paru en 1916. A sa lecture, on comprend aisément le choix des éditions L’Apprentie de mettre une telle œuvre en avant tant la critique qu’elle apporte s’inscrit dans les œuvres de la romancière, mais aussi dans une hypocrisie contemporaine qu’il est bon de revoir mise en avant aujourd’hui.

 » Mrs Ballinger était une de ces dames qui traquent la culture en groupe et considèrent toute rencontre fortuite comme dangereuse. Voilà pourquoi elle avait fondé une association, le Lunch Club, composée d’elle-même et de plusieurs indomptables chasseresses de l’érudition.  » (Page 17. Sens français)

Le Xingu : ou l’art subtil de l’ignorance parle de sept femmes, formant un très sélectif Lunch Club dans la bourgade d’Hillbridge en Nouvelle-Angleterre. Ces sept dames ont pour objectif non dissimulé de promouvoir la vraie culture, la seule digne d’être apprise et réservée aux individus réellement intelligents, capables, dès lors, de se l’approprier. Philosophie, histoire, littérature, tout est bon pour se faire valoir et montrer au monde que l’on vaut mieux que la plèbe. Et quoi de mieux pour se valoriser encore plus que de recevoir la visite de l’auteure la plus prolifique du moment, Osric Dane. Nos sept savantes n’ont alors qu’une hâte, montrer à leur invitée la profondeur de leurs connaissances, voire lui montrer qu’elles en ont plus qu’elle.

Seul bémol, l’une des sept n’est pas très investie. En effet, Mrs Roby, experte en biologie, n’a même pas lu Les Ailes de la Mort, le nouveau livre d’Osric Dane. Plus grave, elle l’a fait tomber dans la rivière d’un pays exotique où elle était partie avec son mari. Pire ! Elle confond paléontologie et versification.

« La déception fut complète. Lorsque Miss Van Vluyck mentionna en passant et l’air de rien le « ptérodactyle », Mrs Roby s’était embrouillée et avait murmuré qu’elle ne connaissait rien au système métrique » (Page 20. Sens français)

En somme, elle n’a pas sa place dans le Lunch Club mais, qu’à cela ne tienne, pour protéger son honneur et celui de son mari, qui l’avait plébiscitée, elle n’aura qu’à se taire et regarder la rencontre sans intervention malheureuse.

Cependant, le rendez-vous avec Mme Dane ne se passe pas comme prévu. Très vite nos six comparses vont se retrouver face à un mur qui, non seulement les renvoie à leurs propres contradictions, mais en plus les ridiculise. Tous se passe pour le pire, mais un ultime espoir apparait quand Mrs Roby énonce l’intérêt de la profondeur insondable du Xingu. Mais qu’est-ce que le Xingu ? Pas le temps de réfléchir à l’origine de cet ouvrage, il faut sauver les apparences. Dès lors, le festival de l’hypocrisie commence.

Le Xingu : ou l’art subtil de l’ignorance est un brillant exemple de l’hypocrisie mondaine, mais aussi de la désespérante idiotie qui consiste à vouloir à tout prix valoir mieux que les autres. C’est avec beaucoup d’humour et d’insolence envers les classes supérieures qu’Edith Wharton revient sur les vices les plus absurdes d’une société qu’elle ne connait que trop bien.

Véritable critique des sociétés de l’époque, Le Xingu : ou l’art subtil de l’ignorance surprend. Non seulement par la modernité de son propos, mais aussi de son humour qui, cent ans après sa parution, fait et fera mouche auprès de n’importe quel lecteur amateur d’humour bien senti et intelligent. Un choix astucieux de la part des éditions L’Apprentie, et un bien bel hommage à l’œuvre d’Edith Wharton.

Gault Vincent, AS Edition-Librairie, 2019-2020.

Source (consulté le 19/11/2019) :
Page wikipédia, « Édith Wharton »

Biographie de l’auteure :

Nationalité : Etats-Unis

Née à New York le 24 janvier 1862 et morte à Saint-Brice-sous-Forêt (Val-d’Oise) le 11 août 1937.

 Ecrivaine féministe connue pour ses écrits à la fois engagés et humoristiques, elle fut la première femme à obtenir le prix Pulitzer du roman en 1921 avec The Age of Innocence 

Bibliographie non exhaustive de l’auteure :
Chez les heureux du monde (1905)
Les Beaux mariages (1913)
Le Temps de l’innocence (1920)
Xingu and Other Stories (1916)