Littérature française, Théâtre

Julie LEGRAND, L’extinction

Julie Legrand, L’extinction

Editions La p’tite Hélène, 2019
ISBN : 9782378390433

« Incarner quelque chose par la taille, la parole, le geste, l’ensemble de ses qualités physiques et morales. Incarner quelque chose par les moyens dont on dispose. Tous ses moyens. Ne pas le faire c’est ne pas se considérer soi-même. C’est, en quelque sorte, refuser d’exister. » (p.3).

Voici comment débute le roman théâtral de Julie Legrand. Tout au long du roman, tout est question d’incarnation. Incarner un personnage dans un roman qui tente lui-même d’incarner une pièce de théâtre.

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L’extinction est en effet un récit hybride, entre le roman et le théâtre. Le roman est un récit déstabilisant où l’on cherche constamment à définir ce que l’on lit : d’un côté on se retrouve face à un roman à narration interne, puis, soudainement, on assiste à une répétition théâtrale, à base de tirades et de monologues, elle-même interrompue par des paragraphes qui relèvent du roman. Julie Legrand bouscule les habitudes et force le lecteur à jongler entre deux genres, comme le personnage principal, Violaine, une jeune étudiante en théâtre, qui se cherche, jongle entre deux vies, entre ce qu’elle est, ce qu’elle veut, ce qu’elle incarne.

Dans cette quête d’identité, se lisent aussi les codes d’un roman d’apprentissage. Par exemple, la narratrice (Violaine) se livre sans ornement, elle exprime ses pensées et ses émotions sans détours, ce qui fait d’elle un personnage que l’on ressent. Chaque chapitre débute par la définition d’un sentiment que Violaine éprouvera par la suite :

 «Voeux : Sens général de souhaits, sens galant de la manifestation du désir de plaire ou de l’amour, qui n’est encore qu’un désir de plaire. » (début du chapitre 8, p. 27).

La jeune femme passe son temps à renier ses sentiments et ses émotions au profit du personnage qu’elle s’apprête à incarner. D’une part, Violaine est une « fille normale », sans histoire, elle travaille dans un supermarché. D’autre part, elle est vouée au théâtre, constamment en quête de la perfection, voulant sans cesse être reconnue non pas pour ce qu’elle est, mais uniquement pour ce qu’elle joue. Après avoir incarné le personnage d’Armande avec succès, Violaine s’attaque au personnage d’Hermione, de la pièce Andromaque. Elle s’imprègne du personnage en expérimentant la vie d’Hermione : « les mots d’Hermione, au champ d’honneur, sont dits avec une telle force que je suis tentée de croire que je les ai vraiment prononcés. » (p. 119). Violaine se confond à Hermione au point d’en suivre la destinée tragique.

Perdre

L’Extinction est aussi un récit qui relate la perte. Tout d’abord, Violaine, tout au long du roman, se perd dans son personnage. Elle s’efface au profit de ce qu’elle souhaite incarner. Bien qu’au début du roman le caractère de Violaine soit tout à fait dissociable du personnage d’Hermione, celle-ci finit par se vouer consciemment à un destin aussi tragique que celui de son personnage. « C’est curieux mais chaque jour écoulé me conforte dans cette impression : je n’aurai pas su qui j’aurai aimé. Je n’aurai pas su ce que j’aurai éprouvé. Je n’aurai pas su ce que j’aurai appris. » (p.130).

Il est aussi facile de se perdre, en tant que lecteur, au fil de la lecture du roman. En effet, entre les innombrables références théâtrales, et le développement du personnage de Violaine, il est parfois difficile de comprendre où Julie Legrand veut en venir. Peut-être souhaite-t-elle faire ressentir son personnage et faire perdre pied au lecteur. De plus, la forme du roman, qui se confond lui-même à une pièce de théâtre est déroutante. On perd des repères de lecture puisque L’Extinction se positionne également comme un « anti-roman d’apprentissage », où l’héroïne, au lieu de passer par des épreuves formatrices, passe par des épreuves qui ont pour effet de la faire courir à sa perte.

Amandine Chambaud, 2A Édition-Librairie, 2019-2020

Sources :
L’Extinction, Julie Legrand, 2019
Site des éditions La p’tite Hélène.

Biographie de l’auteur

Nationalité : Française

Né à : Paris

Originaire de Paris, elle habite depuis 2008 à La Réunion, île qui l’inspire dans ses ouvrages.

Elle écrit aussi bien des nouvelles que des récits poétiques, mais encore des albums jeunesse ou des pièces de théâtre. Elle a été publié dans plusieurs revues et a fondé sa maison d’édition jeunesse Alice au Pays des Virgules en 2017.

Bibliographie non exhaustive :
Tangor Amer, éditions Orphie, 2014
Les Ravissants, éditions Orphie, 2017
La fleur que tu m’avais jetée, éditions Zonaires, 2018

Sur la maison d’édition La p’tite Hélène :
La p’tite Hélène est une maison d’édition basée dans le Sud de la France, à Apt.

Elle publie dans le domaine de la nouvelle, du roman, du roman noir, et du polar.

Selon son site internet, la p’tite Hélène décrit sa ligne éditoriale comme étant « basée sur le roman ou la nouvelle à l’écriture forte, voire musicale. La p’tite Hélène privilégie la forme avant le fond, pour une fois. En sachant qu’une histoire se raconte avec la plume de l’auteur bien avant que le synopsis ne soit abouti. »

La p’tite Hélène est une maison d’édition auto-distribuée et auto-diffusée