Littérature américaine

Jack LONDON, Construire un feu

Jack London, Construire un feu

 

Traduit de l’américain par Christine LE BOEUF
Titre original : To build a fire, ed. The Macmillan Company, 1910
Actes Sud, 1995
ISBN 9782742706471

 

Une question de survie

Le Klondike, hiver 1897, un homme seul face à la nature et pour unique témoin et compagnon, un chien. Tel est le décor posé par l’auteur américain Jack London dans sa nouvelle Construire un feu. L’action se situe lors de “La ruée vers l’or du Klondike”, période durant laquelle 100 000 Hommes partent à la recherche du précieux métal dans les plaines et monts enneigés du Canada. Le personnage de la nouvelle est un de ces prospecteurs, motivé par la richesse et l’aventure.

C’est par une journée sans nuage de la deuxième année de prospection que le protagoniste avance dans la neige. Pour seul environnement la forêt canadienne enneigée, et comme témoin un chien cherchant dans “l’homme du froid” une figure capable de le mettre à l’abri. Avec une température atteignant les 50 degrés en-dessous de zéro, l’homme décide de construire un feu, tout d’abord pour y préparer son repas mais aussi pour y trouver la chaleur métaphorique d’une compagnie humaine absente lors de son voyage. Continuant sa route, il apprend à ses dépens l’erreur de voyager seul : la glace se dérobe sous ses pieds. Alarmé par la situation, l’homme s’empresse de reconstruire un feu pour prévenir les terribles conséquences du froid sur son corps. L’inexpérience et l’urgence de la situation se faisant ressentir, “l’homme du froid” devra survivre et comprendre ce que veut réellement dire « construire un feu ».

La nouvelle de London aborde plusieurs thèmes majeurs comme la survie et la solitude. L’homme tente de survivre dans ce milieu hostile en se souvenant de conseils glanés auprès des anciens “Au delà de cinquante degrés sous zéro, on ne doit point voyager seul”. Ces conseils sont les seules interventions extérieures dans l’oeuvre, le lecteur reste au plus près de l’homme et de son animal pour ainsi créer plus d’empathie et de ressenti face aux situations.

De plus, Jack London, grâce à une écriture simple et sans artifices, parvient à transformer le grand froid en un des personnages de la nouvelle. C’est une menace, un antagoniste pour “l’homme du froid” qui, grâce à sa force glaçante, piège le chercheur d’or. Mais le froid, tout comme l’homme, ne sont que des prismes pour manifester l’envie de Jack London d’exposer aux lecteurs la faiblesse de l’homme face à une nature immense, inconnue et impitoyable. Quant au chien, il représente l’adaptabilité dont devrait faire preuve l’Homme face à la nature. A la fin de la nouvelle, l’animal, suite à la mort de son maître, part à la recherche d’un nouveau protecteur et il va ainsi en apprendre plus sur la nature et les dangers qui la composent :  “[…] il partit au trot sur la piste en direction du camp qu’il connaissait, où se trouvaient les autres dispensateurs de nourriture et maîtres du feu.”.

La persévérance mais aussi la bêtise et l’être humain sont aussi des notions essentielles de l’écrit. En voulant lutter contre la nature et en souhaitant aller toujours plus loin pour trouver de l’aide, l’homme se met en danger et lutte contre une force qui le dépasse.

L’oeuvre est également un porte étendard du mouvement naturaliste américain né en littérature dans les dernières décennies du XIXème siècle. En effet, il y a une volonté d’injecter un commentaire social dans la nouvelle. Jack London a connu cette ruée vers l’or de la fin des années 1890. En témoin de cette époque, il sait que pour beaucoup cette expérience avait pour unique but d’en ressortir riche et de changer de statut social, quitte à braver la nature et ses dangers. Mais l’oeuvre fait aussi preuve de déterminisme. Ce qui arrive à l’homme pendant son périple est du simple ressort de la nature et de son action (l’homme chute et commence à ressentir le froid, il est déterminé à s’en sortir mais la causalité du froid sur la chair l’emporte).

Il n’est ici question que de la version de 1908, Jack London avait déjà livré une version moins empreinte de pessimisme en 1902. En effet l’environnement n’était pas aussi hostile, aucun chien n’était présent et l’homme restait en vie à la fin de l’oeuvre. Cette nouvelle version est à juste titre plus ancrée dans une démarche, comme précédemment dit, naturaliste en proposant une dimension physiologique plus poussée, par un réalisme percutant mais aussi en montrant que le milieu influe sur le personnage : le Klondike pousse l’homme dans ses derniers retranchements, aussi irréfléchis soient-ils.

 

Bien plus qu’une nouvelle sur la survie et le caractère solitaire de l’être humain, Construire un feu propose une bien belle métaphore sur les rapports entre les êtres et sur l’être. Jack London propose une nouvelle version de “l’Homme contre la nature” et à sa manière suit la doctrine de Charles Darwin : “Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements”.

Sources :
Pour la biographie de l’auteur :
Site français sur Jack London

Biographie de l’auteur :

Nationalité : Américain

Né à : San Francisco, 1876

Mort à : Glen Ellen, 1916

 

Il a écrit Croc Blanc (Macmillan, 1906), L’appel de la forêt (Macmillan, 1903)

 

Bibliographie non exhaustive :

  • Le loup des mers, Macmillan, 1904
  • Trois coeurs, Mills & Boon, 1918

Pour aller plus loin :

Sur l’oeuvre de Jack London :

  • Croc Blanc, adaptation en bande dessinée de Jean Ollivier et Sonk aux éditions Hachette en 1984-1986
  • Construire un feu, film français de Claude Autant-Lara réalisé en 1928

Les inspirations :
Des auteurs comme Jack Kerouac, George Orwell ou bien Ernest Hemingway se sont inspirés  des oeuvres de Jack London pour leurs différentes oeuvres.