Littérature française

Florence d’ORIA, Les Pieds dans le vide

Florence D’ORIA, Les pieds dans le vide

Editions Passiflore, 2017
ISBN 978-2-918471-62-2

Une quête mystérieuse…

« Au calme environnant répondait la paix intérieure du manoir, resplendissant, tout enrubanné de rais de lumière. […] personne ne fit écho à mes appels. Je riais sous cape en me voyant traverser, tel un fantôme, ce lieu déjà figé dans un repos éternel à peine était-il déserté des humains » (p.119)

Dans ce lieu irréel, Florence d’Oria nous convie à vivre une expérience perdue d’avance. Dans son premier roman Les pieds dans le vide, une femme souffre d’un cancer. Condamnée par sa maladie, Lisa choisit de passer ses derniers mois de vie dans une maison d’hôtes éloignée de toute civilisation. Elle recherche le moyen d’accomplir une quête amorcée par son grand-père : attraper les étoiles si visibles depuis le manoir. Cette maison où son grand-père a vécu pendant son enfance est un havre de paix tenu par la famille Osmonde désormais. Sans jamais l’avouer, Lisa découvre ses liens avec ce lieu. Sa santé l’incite à analyser les moments les plus marquants de son existence, les deuils familiaux et son choix de s’éloigner de ses amis proches.

Des personnages côtoient notre pauvre héroïne dans une évolution inéluctable vers sa fin. Mireille pour commencer. A l’âge de quatre-vingt-quatre ans, son existence est remplie d’émotions. Son jeune frère s’est engagé dans la légion étrangère à cause d’un chagrin d’amour, avant de mourir. Quel étonnement confus lorsque le lecteur comprend que le défunt n’est autre que le premier amour de la grand-mère de Lisa ! Mireille est le lien qui lui permet de comprendre son histoire familiale et l’infinie tristesse de son grand-père décédé.

Le souvenir d’une histoire narrée par son aïeul est l’élément déclencheur du séjour de Lisa. Elle débute ainsi :

« (…) quand j’étais petit, je vivais là-bas, là où la nuit est si sombre qu’elle hante les jours, les étoiles y ruissellent d’or plus que partout ailleurs. Elles m’avaient tant émerveillé (…) que j’en étais tombé follement amoureux, mais bien vite mon élan donjuanesque essuya son premier revers. Je n’avais pas d’échelle assez haute pour rejoindre ces ensorceleuses, elles étaient (…) inaccessibles (…) » (p. 16)

Ces mots censés émerveiller Lisa dans sa jeunesse ont plus de valeur qu’il n’y paraît. Son « papy » n’a jamais pu aimer de plein droit la femme qu’il a épousé parce qu’elle n’a jamais oublié son premier amour gâché. Ce récit explique d’une manière symbolique comment le grand-père de Lisa a dû braver la colère de ses propres parents pour s’enfuir de leur domaine. Il ne voulait pas être prêtre. A son retour, il se marie avec une jeune femme vénale, après avoir été déshérité. L’histoire revendique une parenté avec le genre du conte notamment à cause des obstacles à surmonter. L’interprétation prend une signification proche d’une morale : ne peut-on jamais être heureux ?

Un dénommé Samuel, pianiste de passage, initie Lisa à l’écoute de sa musique et l’accompagne pour l’observation d’étoiles surplombant le domaine. Sans que cela ne soit vraiment dit, ils tombent amoureux. Cette relation ressemble non seulement à l’aboutissement de la quête du grand-père mais aussi à l’obtention du bonheur parce qu’un amour réciproque est à la clé. Cependant la mort rôde à chaque instant pour l’héroïne. Sa disparition ne risquerait-elle pas de transmettre un profond chagrin à Samuel, répétant par conséquent le schéma vécu par son grand-père ?

Chaque dialogue avec un nouveau personnage mais également chaque réminiscence a une utilité concrète pour l’avancement du déroulement du récit. L’exemple le plus visible est la dépossession que ressent Lisa à l’écoute de Samuel. Elle devient « Un peu comme la jeune héroïne d’un conte de Poe qui s’affaiblissait, à mesure que son époux exécutait son portrait, jusqu’à en mourir, parce que sa vie avait été absorbée tout entière sur la toile par la ferveur fantasque de l’artiste ! » (p.133)

Lisa est une réplique de la jeune femme du Portrait ovale d’Edgar Allan Poe. Elle ressent sa perte de vie progressive. Elle constate que « (son) propre chemin touche à la fin » (p.133). Tel un message de l’auteur, le sort de Lisa apparait relié à l’écoute de la musique de son ami, et d’une manière plus vraisemblable à l’avancement de l’écriture du livre.

Précédemment auteure de portraits pour la presse magazine, Florence D’Oria parvient à faire l’analyse d’une femme en quête de ses origines et de résilience.

L.A, AS, Bibliothèques-Médiathèques, 2019-2020

Sources :
Pour la biographie de l’auteur :

Site des éditions Passiflore, consulté le 16/11/2019.

Site Babelio, consulté le 16/11/2019 à l’adresse suivante :

Pour aller plus loin :
Lire Le Portrait ovale d’Edgar A. Poe sur le site Gallica.