littérature japonaise

Ito OGAWA, Le Jardin arc-en-ciel

Ito OGAWA, Le jardin arc-en-ciel

 

Traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako
Titre original : Naijiro garden, 2014
Éditions Philippe Picquier, 2016
ISBN 2809710724

 

Née en 1973, Ogawa Ito est l’auteure de livres pour enfants et écrit des chansons pour le groupe de musique Fairlife. Le Restaurant de l’amour retrouvé, son premier roman, est un bestseller au Japon et a été adapté au cinéma en 2010 par la réalisatrice Mai Tominaga. Elle est à nouveau publiée par les éditions Picquier avec la même douceur au service d’un nouveau thème dans Le jardin arc-en-ciel.

 

« A l’issue de multiples réunions de famille, nous avions adopté la Constitution de la famille Takashima.
Ne jamais se mentir à soi-même.
Rire à gorge déployée une fois par jour.
Fêter nos joies et pleurer nos chagrins ensemble.
Ne surtout pas se forcer.
Quand ça va mal, hisser le drapeau blanc sans hésiter.
Rien que des choses évidentes, mais toutes essentielles. » (p.154)

Dans la famille Takashima, je demande la mère, Izumi, divorcée, qui essaie de ne pas se faire avaler par la difficulté de la vie. Toujours dans la famille Takashima, je demande l’autre mère, Chiyoko, têtue, créative, qui se fraye un chemin dans la vie à coups de coudes. Je demande le fils, Sosûke, doux et compréhensif au-delà des mots. Et enfin je demande la cadette, Takara, Takara-le-miracle, qui teinte le monde autour d’elle du rouge de la passion, le poumon de la famille Takashima (p. 102). La famille Takashima est une famille comme les autres : elle cultive ses légumes, la tolérance, le respect d’autrui, se relève quand la vie lui met des bâtons (ou des casseroles) dans les roues et trace tranquillement son chemin sur les flancs du Machu Picchu.

Quand Izumi empêche Chiyoko de se jeter sous un train, elle ne sait pas que c’est une nouvelle page de sa vie qui commence. Mère célibataire qui ne s’était jamais pensée homosexuelle, Izumi va tomber amoureuse de Chiyoko et elles vont quitter la vie étouffante de Tokyo pour un petit village de montagne, où l’on trouverait le ciel le plus étoilé du Japon. Elle y ouvriront une maison d’hôtes nouvelle en son genre, une auberge pour les personne comme elles, mais pas seulement, un foyer de douceur pour toutes les personnes en quête de bienveillance.

« D’autres personnes en difficulté ont fait leur apparition à l’Arc-en-ciel.[…] Chaque fois nous nous sommes efforcées de faire tout ce qui était en notre pouvoir. A ceux qui avaient soif, nous donnions de l’eau fraiche, à ceux qui avaient faim, du bon riz et de la soupe de miso, à ceux qui avaient froid, un bain bien chaud et une serviette moelleuse. Ensuite, nous les écoutions attentivement. C’était tout ce que nous pouvions faire. » (p. 176)

 

C’est un récit à quatre voix et, dans chaque chapitre, un des Takashima prend la parole pour relater l’histoire de cette famille. Ogawa nous livre une part de leur existence dans une prose d’une extrême simplicité, mais qui reflète tour à tour la sensibilité et l’authenticité de Sosûke, la fraîcheur et le franc-parler de Takara, la maladresse et la force d’Izumi. Des portraits extrêmement touchants et attachants de personnages avec qui on aimerait bien discuter autour d’un repas.

Ito Ogawa aborde dans Le Jardin arc-en-ciel un sujet qui pourrait être considéré plus militant que tous ceux dont elle a pu parler dans ses romans précédents, celui de l’homosexualité et de l’homoparentalité et on peut voir Takara s’indigner de la situation dans laquelle se retrouve sa famille :

« A cet instant, une certitude s’est imposée à moi.
Une famille, ce n’était pas une question de sexe ou d’âge

Pourquoi devrions-nous vivre cachées alors que nous n’avons rien fait de mal ? La réalité est ce qu’elle est. Nous nous aimons. N’est-ce pas la vérité ? » (p. 290)

 

Cependant, malgré les frustrations et les obstacles, le couple ne s’insurge jamais frontalement contre cette société qui leur fait sentir qu’elle ne veut pas d’elles. On pourrait associer cette absence de violence à un certain idéal japonais, celui d’une intégration qui doit se faire par la douceur et le silence.

« Ce drapeau arc-en-ciel, c’était la voix muette de notre famille. »

Mais il ne faudrait pas tomber dans des généralités, on ne peut qualifier l’histoire de monotone, les personnages sont confrontés à toutes sortes de difficultés de la vie de tous les jours : les préoccupations financières, la santé mentale, l’avenir, la maladie, le deuil, on n’épargne à la famille Takashima aucune douleur. Et pourtant, c’est un sourire aux lèvres qu’on finit ce récit, car on retrouve toujours les valeurs de partage, d’écoute et de bienveillance, chères à Ogawa, et l’auteure ne prend qu’un parti, celui de la tolérance.

« La famille Takashima a décidé de continuer à vivre sereinement, tournée vers l’avenir. Sans rien revendiquer, comme une petite plante qui prendrait discrètement racine dans le sol » (p.352)

Fatima CHAIBI, AS Bibliothèques-Médiathèques, 2019-2020

 

Sources :
Page des éditions Picquier : Ito OGAWA [consulté le 14/10/19]

Biographie :
Ito OGAWA [consulté le 17/11/19]
Interview de l’auteure : Ito OGAWA : la douceur du quotidien [Consulté le 02/11/19]

Biographie :

 

 

 

Nationalité : Japonaise

Née en : 1973 à Yamagata, Japon

 

Ito Ogawa est une écrivaine japonaise, Ito Ogawa démarre l’écriture par la rédaction de chansons et de livres illustrés pour enfants et connait un premier succès avec Le restaurant de l’amour retrouvé

 

Bibliographie complète
Le Restaurant de l’amour retrouvé, éditions Philippe Picquier, 2013. Lauréat du Prix Étalage de la Cuisine, fait l’objet d’une adaptation cinématographique.
Le Ruban, éditions Philippe Picquier, 2016
Le Jardin arc-en-ciel, éditions Philippe Picquier, 2016
La Papeterie Tsubaki, éditions Philippe Picquier, 2018

Pour aller plus loin 
Un extrait lu: Des mots de minuit
Des informations sur l’homosexualité au Japon sur le site Kanpai :
L’homosexualité au Japon