Littérature française

Alexandre Dumas, Le Collier de la reine

Alexandre Dumas (père), Le Collier de la reine

Année de publication originale : 1849-1850
Gallimard, Folio Classique, 2002
ISBN : 9782070416578

Dumas et le roman historique

Personne ne peut avoir oublié l’histoire du collier de la reine. Une affaire de justice, de scandale si grand qu’elle marqua l’Histoire, jugée  par certains, comme les prémices de la Révolution. En effet, le roman commence sur un peuple qui n’a plus de quoi se nourrir en 1784, ni de quoi se loger tant l’hiver est dur. Les caisses du Roi sont vides et c’est dans un élan de bonté que la reine, Marie-Antoinette de Lorraine d’Autriche, refuse un collier de diamants somptueux d’une valeur de quinze cent mille livres, confectionné par les joailliers de la couronne Boehmer et Bossange pour permettre de faire construire un bateau, le Sufren. Mais l’on entend à la Cour que la souveraine aurait succombé à un caprice et aurait acheté le bijou malgré les conditions misérables du reste des Français.

« Aussi l’histoire du collier forme-t-elle la préface immédiate de la Révolution. » ( La Campagne de France, Goethe).

Nous sommes plongés, par la plume de Dumas, à la fois à Versailles et à Paris , villes distantes de  quatre lieues.  Ce roman historique est le deuxième volume de la série Mémoires de médecin qui comporte en outre Joseph Balsamo, Ange Pitou et la Comtesse de Charny. Dans Le Collier de la reine, de nombreuses exactitudes historiques peuvent être notées, même si en 1849, les pièces de l’affaire n’étaient pas toutes connues. Les principaux personnages inclus dans le procès ont véritablement existé et ont participé aux évènements décrits tels que la reine, le cardinal de Rohan, le comte de Cagliostro, la comtesse Jeanne de Valois de la Motte ou encore le sosie de la reine, Nicole Legay. De surcroît l’auteur décrit dans l’ouvrage les attitudes et habitudes de la Cour : les appartements de la reine toujours emplis de monde, les promenades dans les jardins de Versailles et le respect des convenances que l’on peut noter chez chacun des personnages. Ce roman nous ouvre les portes du XVIIIe siècle sans nous donner trop de détails.

« Nous en dirons trop pour le romancier, trop peu pour l’historien », explique le narrateur (p.244).

L’auteur, passionné d’Histoire, reste très présent dans son texte, il s’implique pour faire comprendre l’époque, qui a l’air de lui tenir à cœur, à ses lecteurs. Et pour cela il avoue que « peut-être [vient-il] de jeter et de conduire [ses] lecteurs après [lui] dans une digression qui a dû leur paraître un peu longue ; mais en vérité il eût été difficile de toucher à cette époque sans effleurer de la plume ces graves questions qui en sont la chair et la vie » (p.244). Il évoquera même l’architecture de l’Opéra de Paris et il finira par s’adresser directement à nous, lecteurs : « Tel était le préambule que nous devions à nos lecteurs ; maintenant retrouvons nos personnages » (p.300).

Un roman romanesque

Malgré le côté historique de cet ouvrage, Alexandre Dumas a su inventer et réinventer des personnages dans un but purement fictionnel. En effet, l’aspect romanesque vient des nombreuses histoires de cœur qui rythment le roman et donnent, à l’affaire du collier, une tragédie plus grande encore. C’est la reine qui est au cœur de ce scandale amoureux . Trois gentilshommes se sont épris d’elle : le cardinal de Rohan mais aussi le comte Olivier de Charny et le chevalier ou vicomte de Maison-Rouge, Philippe de Taverney, deux personnages inconnus de l’Histoire. Ce sont des sentiments d’amour très forts, comme il y en eut toute cette époque, où l’on pouvait mourir de trop aimer. Il faut beaucoup de mots à notre auteur pour décrire des émotions si intenses, si éclatantes mais qui pourtant ne résonnent dans la poitrine que quelques secondes. Il nous le dit d’ailleurs lui-même : «Ce que nous écrivons ici en beaucoup de lignes, en trop de lignes peut-être, bien que la situation soit féconde, une demi-minute suffit aux trois acteurs pour le ressentir et l’exprimer» (p.803).

Nous pouvons préciser encore pourquoi ceci est spécialement romanesque. Elle concerne une figure royale commençant à éprouver que sa royauté n’est qu’un leurre, blessée par les contraintes auxquelles elle se trouve soumise. On retrouve en la reine tous les aspects de la tragédie, le dilemme entre la raison et ses sentiments, entre son honneur de souveraine et son amour pour Monsieur de Charny. Une reine préfère-t-elle perdre le roi, sa crédibilité à la Cour ? Ou empêcher le mariage entre son amant et Andrée de Taverney qu’elle a elle-même inventée pour sauver le comte de Charny du déshonneur ?

« Charny s’en alla comme le fiancé de la mort que sa livide fiancée emmène, il s’en alla, regardant en arrière la pâle figure de Marie-Antoinette qui, de pas en pas, le vit disparaître pour toujours » (p. 944).

Par ce mélange entre Histoire et histoire, Dumas nous a permis de redécouvrir un morceau important du XVIIIe siècle de façon plus romancée, comme le grand Romantique qu’il fut. Mais lire un roman historique n’est pas comme lire n’importe quel document puisque inconsciemment, déjà, on connaît la fin de l’histoire.

« Si l’on pose qu’un roman est un récit qui dessine un chemin, qui assigne une origine et un terme à un ensemble de faits ou de traits, qui oriente tout en digressant, rien ne serait plus conforme à l’essence du romanesque que de raconter un épisode qui lui-même en anticipe un autre, fatal, que de se consacrer à la préfiguration de la fin. Le lecteur à la fois lit et anticipe toujours, […] il est surpris par le détail et satisfait de reconnaître ce qu’il savait déjà, retenu par la convergence de la fiction et de ce qu’il tient pour la vérité » (p. VII, Sylvie Thorel-Cailleteau).

Elorie Subercaze, 1A Bibliothèques-Médiathèques, 2019-2020

Biographie de l’auteur

Naissance en 1802 à Villers-Cotterêts

Mort le 5 décembre 1870.

A. Dumas a beaucoup écrit sur le XVIIIe siècle car, comme beaucoup de romantiques, il avait une certaine nostalgie de cette époque- là, sans l’avoir connue. Il pense être né à la mauvaise époque, loin de la Révolution française et donc d’idées à défendre.

Bibliographie non exhaustive
Les Trois mousquetaires, 1844
Le Comte de Monte-Cristo, 1844
Le Château d’Eppstein, 1844
Vingt ans après, 1845
La Reine Margot, 1845
Joseph Balsamo, 1846
Ange Pitou, 1851