Littérature américaine

David Morrell, RAMBO

David MORRELL, Rambo

Traduction depuis l’anglais (États-Unis) par Éric Diacon, révisée par lui-même
Titre original : First Blood, M. Evans, New York, 1972.
Belfond, Paris, 1983.
Gallmeister, Paris, 2018.
ISBN 978-2-35178-673-4

David Morrell nous raconte le combat entre deux hommes que tout semble opposer en alternant les points de vue entre ces deux protagonistes.

Casus Belli

Rambo est le premier roman de l’auteur. L’idée de l’écrire lui est venue un soir d’août 1968 après qu’il a vu deux reportages : le premier montrant des images de la Guerre du Vietnam et le second des images de villes américaines en proie à des flambées de violence. Ces images se mélangent dans la tête de Morrell, qui décide de coucher sur papier un récit où la guerre se déroulerait sur le sol américain. Il invente ainsi le personnage de Rambo, un jeune vétéran du Vietnam fraîchement rentré au pays, dont le nom lui a été inspiré par Arthur Rimbaud et son Une saison en enfer, titre qui décrit selon lui parfaitement les horreurs vécues par Rambo.

Alors que Rambo erre sans but près de Madison, Kentucky, il est arrêté pour vagabondage par le shérif Wilfred Teasle. Ce dernier craint que Rambo, qui a tout du hippie avec sa barbe et ses cheveux longs, ne lui crée des ennuis. Il décide de le mettre derrière les barreaux pour un mois après plusieurs refus d’obtempérer de la part du jeune homme. Les choses dégénèrent et Rambo finit par s’enfuir après avoir tué un policier avec un rasoir.

« Et d’un geste, Rambo lui ouvrit l’estomac. Galt baissa les yeux et considéra d’un air ahuri l’entaille nette et profonde en travers de son ventre, le sang qui tachait sa chemise et coulait le long de son pantalon, les entrailles qui saillaient de son ventre comme une chambre à air par la déchirure d’un pneu. » (p.52)

 

Le premier sang est versé et la guerre est déclarée ; Teasle n’aura dès lors de cesse de traquer le « gamin » pour lui faire payer ce crime. Mais le shérif, vétéran décoré de la Guerre de Corée, apprend que sa proie n’est pas n’importe qui : c’est un béret vert entraîné par les hommes du colonel Trautman à devenir une machine de guerre, et les cicatrices dans son dos sont dues aux tortures subies alors qu’il était aux mains du Vietcong. De plus, ses actions lui ont valu de nombreuses décorations, dont la prestigieuse Médaille d’Honneur du Congrès.

In Nomine Patris

L’une des thématiques principales dans Rambo est indéniablement le rôle du père. En effet, Rambo comme Teasle ont tous deux perdu leurs pères biologiques, et de nombreuses références à leurs géniteurs sont faites tout au long du roman. On apprend ainsi que le père du gamin était quelqu’un d’alcoolique et violent (il est même allé jusqu’à tenter de tuer son fils avec couteau) tandis que celui du shérif était plutôt du genre sévère mais juste.

Teasle a réussi à faire le deuil de son père, tué accidentellement au cours d’une partie de chasse, en reportant son affection sur Orval, un vieil éleveur de chiens qu’il considérait déjà comme un second père et qui participera à la traque de Rambo, mais sera tué par le béret vert.

« Allongé dans le sillon, les poings serrés, Teasle se jura de traquer le gamin sans relâche, de l’étrangler, de le démolir. Il n’abandonnerait jamais. […] Désormais c’était une affaire personnelle. C’était pour lui. Pour son père, pour celui qui l’avait remplacé. […] La terrible fureur qu’il avait éprouvée quand son père était mort remontait, il voulait tenir le cou du gamin entre ses mains et serrer, jusqu’à voir ses yeux lui sortir de sa tête et sentir sa gorge craquer sous ses doigts. » (p.114)

Il est d’ailleurs intéressant de noter que le shérif a l’âge d’être le père du gamin, ce qui donne à leur combat une dimension presque mythologique.

Quant à Rambo, son père de substitution est le colonel Sam Trautman, qui l’a indirectement formé. Il y a dans leur relation quelque chose de frankensteinien : en effet, Trautman, tel un démiurge, a créé un monstre, et ce qu’il a fait, lui seul peut le défaire.

Descensus Ad Inferos

La chasse à l’homme va s’inverser et la proie va devenir le chasseur. Et avant de mettre la ville à feu et à sang, Rambo va vivre une descente aux Enfers. En effet, il découvre lors de sa traque une vieille mine abandonnée dans laquelle il goûtera un éphémère repos avant que la Garde Nationale lancée à ses trousses ne le retrouve. Il n’a pas d’autre solution que de s’enfoncer au plus profond de la mine, pataugeant dans une obscurité totale au milieu de la vermine et des chauves-souris.

Ce n’est qu’après cela que Rambo retrouvera l’air libre et prendra le chemin de la ville, bien décidé à déchaîner les Enfers et à en finir une bonne fois pour toutes avec Teasle.

« Le temps qu’il quitte la station, l’essence avait inondé toute la rue derrière lui. Une allumette et vouf ! La nuit devint jour. Ce fut un lac de feu d’un trottoir à l’autre, dont les flammes atteignaient jusqu’à dix mètres de hauteur. » (p.234)

Au milieu de toute cette violence, les deux hommes en viennent à se comprendre et à se respecter, malheureusement trop tard pour eux.

En fin de compte, Rambo est un diamant noir à découvrir, un chef-d’œuvre du roman d’action qui a donné un chef-d’œuvre du film de survie, semblable tout en étant différent.

Romaric Perrat, 1A Bibliothèques, médiathèques et patrimoine, 2019-2020

Sources :
Texte « Rambo et moi » de l’auteur. (consulté le 23/02/20)
Hors-série Mad Movies Classic n°20 « Rambo, du premier au dernier sang »
Site officiel de l’auteur  (consulté le 23/02/20)
Page Gallmeister de l’auteur (consulté le 23/02/20)
Page Wikipedia de l’auteur (consulté le 23/02/20)

Biographie de l’auteur :

Nationalité : Canadien
Né à : Kitchener (Ontario), 1943

David Morrell a décidé de devenir écrivain en regardant la série télévisée Route 66, impressionné par ses qualités d’écriture. Avec son premier roman, écrit alors qu’il était professeur à l’université de l’Iowa, il a créé un personnage qui deviendra une véritable icône du grand écran et dont il se chargera d’écrire la novélisation des deux premières suites cinématographiques.

Bibliographie non exhaustive :
La Fraternité de la rose, Robert Laffont, Paris, 1986 – The Brotherhood of the Rose, St. Martin’s Press, 1984
Accès interdit, Grasset, Paris, 2007 – Creepers, CDS Books, 2005
Portrait de l’assassin en artiste, Marabout, Paris, 2014 – Murder as a Fine Art, Mulholand Books, 2013

Pour aller plus loin :
à lire sur la Guerre du Vietnam :
Tom CLANCY, Sans aucun remords (1993)

Stephen COONTS, Le Vol de l’Intruder (1986)


Tim O’BRIEN, À propos de courage (1990)


Michael HERR, Putain de Mort (1977)

à voir :
Ted KOTCHEFF, Rambo (1982)

à écouter :
Jerry GOLDSMITH, bande originale de Rambo

à consulter :
La page de Littexpress sur la Vet Lit aux Etats-Unis : compte-rendu de l’entretien avec Luke Mogelson