Littérature française

Nicolas REY, Des Nouvelles de l’amour

Nicolas REY, Des nouvelles de l’amour

La Martinière, 2017
ISBN 9782732482576

Nicolas Rey est un écrivain, chroniqueur et scénariste français. Il a reçu le prix de Flore en 2000 pour son roman Mémoire courte aux éditions Au Diable Vauvert. En 2010, son roman Un léger passage à vide – toujours Au Diable Vauvert – rencontre un certain succès.

De quoi se délecter

Des nouvelles de l’amour est un recueil de nouvelles drôles, poignantes, attendrissantes ou surprenantes… À l’image de leur auteur.

«  Y a mon frère, et mes parents le préfèrent, je le sais, et maintenant ça va, j’ai abandonné l’idée de le tuer. »
(“Sieste”, p.8)

Ces nouvelles sont souvent des fragments de vie, on y trouve un mélange de scènes quotidiennes et de situations peu probables. L’auteur oscille entre des moments anecdotiques et des moments d’intimité ; des secrets dont le lecteur est le confident. Certaines nouvelles se suivent, d’autres se font écho, la plupart sont totalement indépendantes.

La famille et les relations amoureuses sont le noyau de ce recueil. Nicolas Rey dresse des portraits de familles plus vrais que nature, de ces gens que l’on déteste mais qu’on est obligé de supporter. Il ne tombe jamais dans des morales mièvres et bienpensantes qui veulent nous faire croire que “la famille est sacrée”. Non, ses personnages peuvent se détester de longues pages durant sans tomber dans les bras les uns des autres à la fin, et ça fait un bien fou.

Dans la lignée

Celles et ceux connaissant et aimant la plume de Nicolas Rey ne seront pas déçus. On retrouve dans ce recueil l’humour piquant et le sarcasme de l’auteur. Ses phrases courtes, vives, sa tendance à la répétition, à saccader, fragmenter les phrases plus longues avec de nombreuses virgules. Il sait la ligne qui sépare la provocation et l’abject, il ne la franchit jamais. Quand on le sent sur le fil, il retombe toujours sur ses pattes.

L’image de l’écrivain français désabusé teinte une grande partie de ces nouvelles (et de son œuvre de manière plus générale). Il émane de cet auteur et de son écriture cette nonchalance et cette vision romantique, idéalisée, du poète torturé : un homme de lettres parisien, grisonnant, fumant des cigarettes à la fenêtre de son appartement, parlant de sexe de façon crue mais jamais dérangeante, adorant les femmes sans jamais les transformer en objets, romantique et cinglant à la fois.

Le lecteur qui connaît la voix de Nicolas Rey, son intonation, sa façon de s’exprimer, profitera différemment, peut-être davantage, de son écriture. Lorsqu’il dit lui-même ses propres mots, ils deviennent plus marquants, ils prennent une autre dimension. Chaque émotion est décuplée. En ce sens, aller voir la lecture musicale Des nouvelles de l’amour – où il est accompagné d’un guitariste/chanteur – élève la lecture, l’enrichit énormément.

De l’intime fiction

Je me suis trouvée plusieurs fois à m’arrêter dans ma lecture pour rire, pas seulement sourire ou souffler du nez, mais pour rire vraiment. L’auteur exagère beaucoup, il pousse toujours plus loin, quelle que soit l’émotion exprimée. On le sait excessif dans sa vie, ses écrits ne font pas exception.

« […] comme si l’avoir à quelques mètres de moi ne me faisait pas l’ombre d’une pulsation supplémentaire alors que j’avais envie de crever sur place tellement l’idée de l’embrasser me pulvérisait la carcasse »
(“Le baby-sitter”, p.54)

Mais Nicolas Rey, ce n’est pas seulement l’humour tranchant et la force abrupte des mots. Il sait aussi bouleverser en quelques lignes. Il a ce don pour les phrases simples et justes, très douces et mélancoliques, même mélodiques parfois. Il sait aussi rendre les mots touchants, presque naïfs dans la bouche de certains de ses personnages. Sa maîtrise de la langue fait qu’il se balade entre ces trois registres qui lui collent à la peau, et qu’il nous offre un savant mélange qui rend le recueil assez versatile mais néanmoins très cohérent.

« Certains respectent les monuments. Moi, c’est devant le furtif que je m’incline. » (“Vin chaud”, p.135)

Mentions spéciales…

à la nouvelle “Les Avions”,  extraordinaire dans sa façon de dépeindre en quelques lignes un personnage que l’on a tous et toutes connu de près ou de loin. Cette nouvelle extrêmement courte est hallucinante et virtuose.

L’avant-dernière nouvelle, “Australie”  se démarque également car elle est beaucoup plus longue, plus grave, moins sarcastique et cynique que le reste du recueil. Elle est écrite du point de vue d’une dame âgée, et c’est assez rare chez Nicolas Rey pour être souligné. Lui a plutôt tendance à se mettre dans la peau d’adolescents, de jeunes adultes ou de quarantenaires paumés. Cette nouvelle fait partie des plus touchantes, et sa longueur rend justice au talent de Nicolas Rey pour créer de réelles trames narratives.

Amélie Brana, AS édition-librairie, 2019-2020.

Sources
Editions La Martinière [consulté le 15/11/2019]

Babelio, page Nicolas Rey[consulté le 15/11/2019]

Wikipedia, « Nicolas Rey »[consulté le 15/11/2019]

Babelio, livre Dos au mur [consulté le 20/11/2019]

 

Biographie de l’auteur

Nationalité : Français

Né à : Évreux, en 1973

Il a beaucoup travaillé avec Pascale Clark à la radio et à la télévision.

Il est le scénariste et co-réalisateur (auprès d’Emma Luchini) du court-métrage Les femmes de Rio. Ils ont remporté le César du Meilleur court-métrage en 2015.

Bibliographie non-exhaustive
Treize minutes, Valat, 1998.
Mémoire courte, Au Diable Vauvert, 2000.
Un léger passage à vide, Au Diable Vauvert, 2010.
Dos au mur, Au Diable Vauvert, 2018.

Pour aller plus loin

Ce recueil de nouvelles est mis en scène dans le spectacle de lecture musicale qui porte le même nom. Nicolas Rey lit ses textes et est accompagné du musicien et chanteur Mathieu Saïkaly. Ils avaient débuté ce concept de lecture musicale sur France Inter sous le nom des Garçons Manqués. Ils se sont produits à la Maison de la poésie, et ont ensuite tourné en France avec leur premier spectacle « Et Vivre était sublime », puis avec « Des nouvelles de l’amour ».