Littérature anglaise

Nick HORNBY, Haute fidélité

Nick HORNBY, Haute fidélité

Traduit de l’anglais par Gilles Lergen
éd. 10/18,  1997
collection « Domaine étranger »
ISBN 2-259-18376-X

Du rythme, des listes, de l’humour et de l’amour pour le troisième roman de Hornby

1.  Faire une liste des femmes qui m’ont fait le plus mal
2. Te prouver, Laura, que tu n’es pas la plus cruelle d’entre elles
3. Ranger d’une autre façon tous mes disques dans l’espoir de t’oublier
4. Flirter avec une autre pour t’oublier
5. Reconnaître que finalement c’est toi que j’aime et que je voudrais te retrouver

Et l’on pourrait continuer à imaginer : faire des listes de musique avec mes employés et amis, te faire oublier Ian, notre ancien voisin devenu ton petit ami…

Comme souvent, les listes de Robert sont difficiles à faire : il classe et reclasse sans cesse dans le vain espoir de pouvoir (ré-)arranger sa vie. Ainsi, « essayez de faire entrer les gens que vous croisez dans l’une des quatre catégories de la vie – en couple heureux, en couple malheureux, seul, désespéré – et vous verrez que vous n’y arrivez pas » (p.178).

Un homme qui se cherche

Robert Fleming est le propriétaire de la boutique Championship Vinyl à Londres dans les années 1980, où il travaille avec Dick et Barry qu’il surnomme « les Rockers Jumeaux Imbéciles ». Récemment séparé de sa compagne Laura, il se remet en question, alternant souvenirs et présent, que ce soit dans sa vie amoureuse ou dans ses choix de vie.

Il est un grand enfant qui se reconnaît d’ailleurs comme tel, « il n’empêche que je ne suis manifestement pas un adulte faisant un métier d’adulte » (p.135), et qui a du mal à passer à ce cap, ainsi quand il part d’un enterrement pour bouder après un désaccord avec une amie, ou dans sa façon de s’exprimer  : « enfin, c’est pas juste. Cépajust ! » (p.45).

Un vocabulaire de l’enfance, mais aussi souvent un vocabulaire familier, voire grossier, à tel point qu’il en arrive à s’interroger sur la résurgence continuelle du mot « con » : « Un jour, peut-être pas dans les prochaines semaines, mais quelque part dans le futur, c’est sûr, quelqu’un va réussir à s’adresser à moi sans que le mot « con », sous une forme ou sous une autre, soit contenu dans la phrase » (p.79).

Il voudrait aller mieux, mais s’enferme dans un sentiment d’échec qu’il attribue aux autres – et tout particulièrement aux femmes qu’il a rencontrées – ainsi de Charlie qu’il a tenu responsable « ces douze dernières années (…) de la plupart des choses qui ont mal tourné dans [sa] vie » (p.153).

Bien qu’il se targue de ne pas avoir été affecté par la rupture avec Laura, il aimerait la revoir et finit par reconnaître qu’elle lui manque : « Quand j’ai vu Laura devant le magasin, j’ai su absolument, sans le moindre doute, que je voulais qu’elle revienne » (p.91).

C’est ainsi qu’il revient sur sa vie en se remettant en question : disquaire à la limite de la faillite, homme frustré par ses relations amoureuses, il voudrait que l’amour, le travail, la vie soient comme dans les chansons qu’il aime tant, il voudrait « que [sa] vie soit comme une chanson de Bruce Springteen » (p.128). Si ses désirs ressemblent plus à une utopie qu’à la réalité, le retour de Laura pourrait radicalement le changer, à condition bien sûr qu’il fasse les efforts nécessaires.

Dans ce roman écrit à la première personne, le « je » se cherche, se sent touché par le temps, et revient sans cesse à lui, n’hésitant pas à interpeller le lecteur, à le mettre dans la confidence par de fréquentes adresses : « si vous voyez ce que je veux dire (et je crois que vous le voyez) » (p.76).

Mais, si son égocentrisme l’amène à se plaindre, il le fait toujours avec humour. Ainsi, pour ne pas fêter son anniversaire en cette période de crise, il imagine un message annonçant que « la vie de Rob Fleming est momentanément interrompue, il refuse de vieillir. Vous êtes priés de bien vouloir garder les cartes, les gâteaux et les cadeaux pour une autre occasion » (p.168).

Les listes et la musique pour structurer sa vie

Comme dans A propos d’un gamin (1998), Hornby met ici en scène un homme en plein questionnement et égocentrique, pour qui tout est sujet à liste.

Sa vie est rythmée – telle une musique – par les listes qu’il fait. Ainsi, suite à sa rupture avec Laura, il revient sur ses histoires d’amour qui lui ont fait le plus mal, en démarrant bien évidemment par leur énumération : « Mes cinq ruptures inoubliables, mon île déserte permanente, par ordre chronologique : 1) Alison Ashworth 2) Penny Hardwick 3) Jackie Allen 4) Charlie Nicholson 5) Sarah Kendrew » (p.9).

D’ailleurs, ceux qui font des listes « sont [ses] frères » (p.80). Outre ses listes personnelles, il en constitue également – voire principalement – avec les employés de son magasin de musique : des incontournables aux interdits musicaux, ils jugent les gens et mieux vaut ne pas sortir de leurs classements ni citer certains artistes si l’on ne veut pas s’attirer leurs foudres au travers d’un vocabulaire argotique, voire grossier. Ainsi, quand un client souhaite acheter I just call to say I love you, il apparaît qu’il n’est pas toujours roi dans leur boutique :

« Je pourrais l’avoir alors ? (…)

– Non désolé c’est impossible. (…)

– Pourquoi c’est impossible ?

– Parce que cette chanson est une merde sentimentale et kitsch, voilà pourquoi. (..) Allez dégagez, j’ai assez perdu de temps avec vous » (p.49)

La musique est une part essentielle et fondamentale de la vie de Robert, à tel point que lors de la rupture avec Laura, il réaménage sa discothèque personnelle : « Quand Laura était là je rangeais les disques par ordre alphabétique ; auparavant, je les rangeais par ordre chronologique. (…) Mais ce soir je rêve d’autre chose, alors j’essaie de me souvenir de l’ordre dans lequel je les ai achetés ». Ainsi pour se venger de son ex, il réorganise tout afin qu’elle ne s’y retrouve plus à son éventuel retour. Comme l’annonce le titre par son jeu de mot liant l’amour et la musique, Rob voudrait trouver dans cette dernière des réponses à sa vie, car elle « est tout ce [qu’il est]. » (p.207).

Nick Hornby, entre musique et humour à l’anglaise

La musique est un sujet récurrent dans les textes de l’écrivain et scénariste Nick Hornby,  par exemple dans Juliet, Naked (2009) ou dans l’essai 31 songs (2003). Le roman Haute fidélité a été repris en film en 2000, et même en comédie musicale en 2006 à Broadway.

Au travers de cette musique qui structure sa vie, Hornby écrit ici la complainte toujours teintée d’humour à l’anglaise – cette « politesse du désespoir » comme le définissait G. Duhamel – d’un anti-héros en quête de soi, qui voudrait grandir, entrer dans la catégorie des « gens convenables » (p.127), une reconversion qui s’avère difficile mais que le retour de Laura pourrait lui permettre.

Margot Lavois, AS, Bibliothèques-Médiathèques, 2017-2018

Sources :
https://gos-uk.fr/humour-britannique/, [consulté le 11/11/2017]
https://www.10-18.fr/tous-les-auteurs/nick-hornby/ [consulté le 29/10/2017]

Biographie de l’auteur :

Nationalité : Royaume-Uni
Né à : Redhill, Comté de Surrey , le 17/04/1957
Romancier, essayiste, journaliste, parolier et scénariste anglais. Il a étudié la littérature anglaise au Jesus College de l’Université de Cambridge puis y a exercé en tant que professeur. Il a également été journaliste pour The Literary Review et The Sunday Times.

Bibliographie non exhaustive :
Carton jaune, 10/18, 2010
A propos d’un gamin, 10/18, 2010
31 songs, 10/18, 2010
Slam, 10/18, 2010
Juliet, Naked, 10/18, 2011
Funny girl, 10/18, 2016