Littérature française

Bernadette PÉCASSOU, Sous le toit du monde

Bernadette PÉCASSOU, Sous le toit du monde 

 Première édition : Flammarion, 2013
J’ai lu, 2014
ISBN 2290092705 

Ancienne journaliste et réalisatrice de reportages télévisés, Bernadette Pécassou est devenue écrivaine. Elle commence sa carrière en 2003 avec Le Bel Italien publié chez Flammarion, et a depuis écrit 8 autres romans chez le même éditeur. Auteur de romans historiques, Bernadette Pécassou met toujours en avant des figures de femmes fortes et indépendantes. 

 Ashmi est une jeune femme népalaise issue d’un village des montagnes, qui se voit offrir la possibilité d’aller étudier à la capitale, Katmandou. Elle y rencontrera Karan, Français d’origine népalaise, qui souhaite aider le pays à sortir de sa situation politique chaotique. Pour cela, il va faire d’Ashmi une journaliste hors pair, au risque de se mettre en danger… 

Inspiré par un fait réel qui a eu lieu en 2009, Sous le toit du monde est un roman instructif sur la situation du Népal, un pays en pleine reconstruction, pour qui le rapport à l’étranger est ambiguë, et dans lequel les deux protagonistes principaux vont devoir trouver leur place. 

Un pays en pleine reconstruction 

 Le roman s’ouvre sur l’assassinat de la famille royale du 1er juin 2001. Scène brutale, qui expose le contexte du récit : le Népal sort tout juste d’une guerre civile entre guérillas maoïstes et armée royaliste, et le nouveau gouvernement est né de la violence. L’auteur nous plonge dans les affres d’une démocratie naissante encore fragile, que son personnage de Karan souhaite soutenir : journaliste, il dénonce les nombreuses corruptions et la dépendance du pays aux aides humanitaires. Mais cela n’est pas sans risque : un journaliste se retrouve « prisonnier des maoïstes, puis de l’armée, emprisonné, torturé » (p.182). L’écrivaine ne nous épargne pas un vocabulaire violent, pour nous immerger au cœur d‘une société troublée, inquiétante pour le lecteur comme pour les protagonistes qui la découvrent également. 

C’est dans ce contexte que le personnage d’Ashmi fait ses premiers pas à la ville, en tant que jeune étudiante, puis en tant que journaliste. À travers elle, on découvre la société de castes, très présente au Népal. Ashmi est une habitante des hautes montagnes, où le travail de la terre est primordial, où l’on vit tous ensemble dans un même foyer et pauvrement. Elle va se retrouver au milieu de citadins, instruits et occidentalisés, et très vite, son rang posera problème, comme lorsque le journal lui attribuera un chauffeur. Pour celui-ci

« Ashmi était de plus basse caste que lui, il n’avait pas à être à ses ordres » (p.172).

L’impact du tourisme

Souvent aisés, en quête d’air pur ou de sensations fortes avec l’ascension du « toit du monde », les touristes étrangers sont nombreux au Népal. Leur arrivée a enclenché un aménagement du territoire, favorable aux habitants des montagnes, qui jusque-là étaient oubliés par le gouvernement centralisé ; « pour eux, il a fallu rendre les montagnes accessibles, former des guides, recruter des porteurs, construire des ponts, entretenir un minimum les routes qui conduisent aux expéditions et acheminer l’électricité. » (p.54). Ces infrastructures sont payées par l’argent que génère le tourisme ; mais plus encore, le tourisme est devenu économiquement indispensable. Si Ashmi peut aller étudier en ville, c’est parce que de nombreux dons sont faits pour l’humanitaire par les touristes.

Mais cette position leur donne une toute puissance. Souvent, ces derniers cherchent ce qu’ils appellent « l’authenticité », qui se traduit par des petits villages traditionnels de montagnes : alors, on maintient ces derniers dans la pauvreté pour garder leur « charme », tout en garantissant aux visiteurs le confort. Et leur passage laisse des traces ; ces derniers « repartent en emportant des souvenirs de paysages immaculés, et laissent derrière eux un champ d’ordures. » (p.236). 

Des personnages en recherche d’identité 

 Tout au long du roman, Ashmi et Karan sont à la recherche de leur place dans cette société népalaise. Pour Ashmi, c’est d’abord un tiraillement entre son attachement à ses racines et la découverte de la ville. Son désir premier était de retourner chez elle dès que possible ; des visions de sa montagne et de ses sublimes paysages la rendent mélancolique. Pourtant, son mode de vie s’occidentalise, et sa relation avec sa famille s’effrite. Mais trouver sa place en ville n’est pas aisé. Outre sa caste, sa condition de femme est aussi problématique : on lui reproche sans cesse de se mêler des affaires des hommes, et cela la met en danger. Mais Ashmi ne renonce pas, et se bat pour se faire une place. 

Le personnage de Karan permet à l’auteur d’aborder la question du point de vue culturel. Népalais de naissance, il a cependant grandi en France. S’il pense pouvoir comprendre cette société au début, il va vite se rendre compte que son jugement n’est pas neutre, et qu’il est difficile de se détacher de ses propres valeurs culturelles. À travers lui, c’est aussi un message que l’écrivaine adresse au lecteur :

« Je vous ai trouvé méprisant. Hautain comme le sont les étrangers qui nous jugent et arrivent ici avec leurs propres règles et leurs propres certitudes. Nos castes ne vous plaisent pas et vous croyez que vous pouvez les fouler aux pieds parce qu’elles ne sont pas celles qui régissent votre culture d’Occidental. » (p.231)

Sous le toit du monde est une plongée au cœur du Népal et de sa société. De son écriture simple, Bernadette Pécassou nous apprend beaucoup tout en nous entrainant dans son récit aux côtés de personnages attachants. 

 Ludivine Jamin, 2A, édition/librairie, 2018-2019 

Sources : 

Pour la biographie de l’auteur : Site éditeur [consulté le 28/11/2018] 

Biographie de l’auteur : 

  Nationalité : française
Née à : Ibos, proche de Lourdes 
Journaliste et réalisatrice de documentaire pour France 5 et Arte, elle termine sa carrière pour se consacrer à l’écriture. Elle est l’auteur de 9 romans,  chez Flammarion. 

 Bibliographie non exhaustive de l’auteur : 

Le bel Italien, Flammarion, 2003
La passagère du France, Flammarion, 2009
La dernière bagnarde, Flammarion, 2011 

 Pour aller plus loin : 

Barraux Roland, Histoire du Népal : Le royaume de la Montagne aux Trois Noms, édition l’Harmattan, 2007.