Littérature française

Fred VARGAS, Coule la Seine

Fred Vargas, Coule la Seine

Viviane Hamy, 2002

Fred Vargas, de son vrai nom Frédérique Audoin-Rouzeau, est une écrivaine au talent reconnu qui connaît un franc succès notamment avec ses romans policiers. C’est sûrement son style d’écriture qui lui vaut cette réussite car, selon Jeanne Guyon dans Le Magazine Littéraire, « Fred Vargas a inventé un genre romanesque qui n’appartient qu’a elle : le Rompol ». Ce style se caractérise notamment par une liberté de ton, des discussions que l’on peut presque qualifier d’irréel quand on connaît le contexte dans lequel il sont inscrits ou encore des situations quasi-humoristiques. Cela fait d’elle une auteure unique dans le polar d’aujourd’hui.

Un style atypique

Quand on pense au genre policier, on imagine un univers sérieux et angoissant où la plaisanterie et l’extravagance n’ont pas leur place. Mais les œuvres de Fred Vargas y font exception.

Les trois nouvelles sont entièrement construites sur des situations comiques et cocasses qui dénaturent totalement le roman policier et le font passer pour un nouveau genre. Le style d’écriture de l’auteure éclipse presque entièrement l’intrigue policière qui devrait au contraire se trouver au centre de la lecture. Le lecteur en oublie le problème de départ qu’est l’enquête et se concentre davantage sur les situations burlesques du livre. Les premières pages nous posent question et peuvent même nous déranger tellement le style est particulier, mais la suite nous paraît naturelle. C’est ainsi que l’on peut trouver des situations telles qu’un sans-abri en train d’exposer sur un banc des photos de sa famille et des objets ramassés au sol sous les yeux d’un commissaire attentif, qui le regarde faire comme si cela allait avoir une quelconque importance pour son enquête.

De plus, les dialogues qui composent une grande partie des nouvelles et qui participent beaucoup à la compréhension et à la résolution de l’intrigue, prennent eux aussi des tournures singulières. Chose peu commune dans les romans policiers, Fred Vargas joue la carte de l’humour et donne ainsi une autre image de ce genre. Les personnages, commissaires ou simples citoyens, conversent entre eux sur des sujets qui se veulent plus ou moins sérieux, ce qui donne une touche fantaisiste aux nouvelles et rend les dialogues atypiques. Ainsi on peut lire des échanges comme celui-ci :

« Cela fait seize jours aujourd’hui.
– Il y a eu la lettre juste après.
Danglard le regarda sans comprendre.
– Qu’est-ce que ça peut faire ?
– Rien. Je vois qu’hier il a apporté un lampadaire.
– Et alors ?
– Alors aujourd’hui, il y a une lettre au courrier. » (p.26-27)

Le style de Fred Vargas, même s’il diverge quelque peu du style du roman policier traditionnel, n’a rien à lui envier. Inhabituel et déviant mais séduisant et captivant, il nous entraîne dans les intrigues policières avec autant de facilité que pourrait le faire un autre auteur au style différent.

Le commissaire, un personnage lui aussi atypique

Le personnage du commissaire Adamsberg, créé par Fred Vargas, revient dans un grand nombre de ses romans policiers. C’est un personnage particulier qui s’inscrit totalement dans le style de l’auteure.

Jean-Baptiste Adamsberg n’incarne pas le détective parfait et pointilleux que l’on pourrait imaginer. Il n’est ni prétentieux, ni hautain, ni rationnel, ni précis. Au contraire, il est doté d’une certaine sensibilité qui l’encourage à porter une attention particulière au monde qui l’entoure sans jamais négliger personne. Ainsi, il arrive à motiver et valoriser son équipe au caractère aussi typé que lui, tout comme il prend le temps de discuter avec toute personne venue comme le sans-abri dans la rue à qui il porte une attention égale aux autres.

Une des particularités remarquables du commissaire est son intuition hors normes qui lui permet de résoudre n’importe laquelle des affaires aussi obscure soit-elle. Ce don lui vient de sa capacité à s’évader et à laisser toutes les hypothèses lui traverser l’esprit sans s’arrêter à la première lui paraissant tangible. Cet aspect de sa personnalité tranche avec un autre aspect plus étrange : l’inspecteur Adamsberg, même s’il est doué d’une intelligence certaine, semble ignorer des choses pourtant élémentaires que tous sont censés posséder dans leur culture. C’est ainsi qu’on le voit se tromper dans la véritable histoire de Cendrillon :

« Il manque une chaussure. […]

– On cherche le sac à main, on cherche des papiers, on cherche qui c’est. Et on cherche la chaussure, comme dans Cendrillon.

– Pour Cendrillon c’était l’inverse, intervint Deniaut avec discrétion. On avait la chaussure, mais on cherchait la femme. » (p.75)

Ainsi, le commissaire Adamsberg reste un personnage quelque peu mystérieux plein de ressources et de surprises, mais séduisant et attachant tant il intrigue dans son comportement et ses relations aux autres.

Finalement, le style bien particulier inventé par Fred Vargas ne peut que nous séduire tant il diffère des styles traditionnels utilisés dans les romans policiers. Les situations quasi-irréelles pouvant se produire à tout instant, la touche d’humour ou encore le personnage du commissaire Adamsberg et son équipe ne peuvent que nous attirer et nous entraîner dans la lecture de ses nouvelles.

Maïwenn Bocahu, 2e année Bibliothèque-Médiathèque-Patrimoine, 2019-2020

Sources

  • Pour la bibliographie de l’auteur : Babelio
    [consulté le 05/11/19]
  • Pour la biographie de l’auteur : France Inter,
    [consulté le 05/11/19]

Bibliographie non exhaustive :

  • Pars vite et revient tard, Viviane Hamy 2001, Prix des libraires 2002 et Grand prix des lectrices Elle-Policier 2002.
  • Sous les vents de Neptune, Viviane Hamy 2004
  • L’Armée furieuse, Viviane Hamy 2011

Pour aller plus loin

  • Pars vite et revient tard,  adaptation cinématographique de Régis Wargnier, 2008
  • L’Homme à l’envers,  adaptation à la télévision, 2009
  • Pars vite et revient tard,  adaptation radiophonique de Cédric Aussir, 2013